Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 16:25

1396500_3_33a6_un-camp-rom-illegal-situe-a-saint-etienne-a.jpg

Un premier "camp rom illégal" a été évacué vendredi matin à Saint-Etienne (AFP/Jean-Philippe Ksiazek)

Suite à l’annonce par Brice Hortefeux, le 28 juillet 2010, du démantèlement de 200 campements illégaux de Roms dans les 3 mois, le premier campement illégal de Roms, sur un terrain municipal de Saint-Etienne (Loire), a été évacué vendredi 6 août au matin. Une centaine de Roms originaires de Roumanie, pays membre de l’Union Européenne, y vivaient.

Selon Marie-Pierre Manevy de l’association Réseau Solidarité Roms« il faut à chaque fois que le propriétaire du terrain fasse la demande [de l’expulsion], puis c’est le préfet qui prend la décision. Ce terrain-là appartient à la municipalité (…) des demandes similaires ont été faites pour l’occupation d’anciens logements d’instituteurs et d’une maison de retraite. ».

Le maire de Saint-Etienne est Maurice Vincent (Parti socialiste). Ironie du sort, le terrain, placé entre le cimetière et la SPA (!), avait été proposé par la mairie deux ans auparavant à l’association Réseau Solidarité Roms, qui l’avait refusée en raison des conditions sanitaires. Cependant, en mai 2010, suite à l’expulsion de deux squats de la ville, des Roms sont allés s’y installer. La mairie a alors fait mettre deux points d’eau, des WC chimiques et un container poubelle, mais les conditions de vie y étaient plus que précaires : habitations de fortune et tentes.

« Sur ce terrain, il y avait énormément d’enfants qui étaient scolarisés et vivaient dans une situation lamentable », selon un membre de Réseau Solidarité Roms, ce que les photos prises lors de l’évacuation attestent.

1396503_3_efc6_le-camp-de-saint-etienne-est-le-pre-copie-1.jpg

Le camp de Roms roumains évacué le 6 août 2010 hébergeait de nombreux enfants scolarisés (AFP/Jean-Philippe Ksiazek)

Le plan de développement des aires d’accueil des populations nomades ne concernent pas les Roms : ils ne sont pas nomades, n’ont pas de caravane en état rouler et encore moins de véhicule.

Les Roms sont donc dans l’impasse. Car contrairement à ce que voudrait nous faire croire Nicolas Sarkozy, les démantèlements de campements « illégaux » occupés par des Roms ne résolvent rien : elles ne font que déplacer le problème un peu plus loin. Avant le campement expulsé, les Roms occupaient deux squats de la ville. Avant encore, ils dormaient au bord d’un étang, après avoir été expulsés d’une maison de retraite. Aujourd’hui ils occupent la place de l’hôtel de ville. Réseau Solidarité Roms espère que la mairie prêtera un gymnase inoccupé, le temps des vacances scolaires.

L’expulsion n’a pas permis aux Roms d’emporter le matériel, laissé au camp : l’association souhaite obtenir une benne pour récupérer ce matériel. La municipalité ne répond pas aux appels lancés.

Tziganes

"Les Bijoux de la Castafiore", Hergé, éditions Casterman, 1963 : les conditions de vie des "tziganes"...

1395001_3_73c4_une-femme-de-la-communaute-rom-dans-un-camp-.jpg

... sont semblables à celles des Roms en 2010, 47 ans plus tard : campement Rom à Lyon le 30 juillet 2010 (AFP/Jeff Pachoud)

Il faut rappeler deux éléments. Le premier, c’est le droit pour les ressortissants de l’Union Européenne à la libre circulation sur le territoire de l’Union.

Ce droit est absolu pour les séjours de moins de 3 mois, la seule condition, la détention d’une pièce d’identité, n’étant pas un obstacle puisque « l'État membre d'accueil fournit à la personne concernée tous les moyens raisonnables afin d'obtenir ou de se faire parvenir les documents requis » (site de l’Union Européenne, europa.eu).

Pour les séjours de plus de trois mois, le ressortissant doit par exemple « exercer une activité économique en qualité de travailleur salarié ou non salarié » ou bien « disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie (…) les États membres ne pourront pas fixer le montant des ressources qu'ils considèrent comme suffisantes, mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée »Le cas par cas est donc de rigueur, et il est bien difficile pour un Etat membre n’ayant jamais eu affaire à un ressortissant de l’Union Européenne (arrestation, …) de vérifier si la personne est présente depuis moins de trois mois ou non.

Ce matinLeMonde.fr titrait de façon pertinente : La situation des Roms à Saint-Etienne n'est « pas réglée ». Sur la centaine d'occupants du campement démantelé, une bonne quarantaine est dorénavant libre. Une quarantaine a reçu un avis d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) et 18 ont « demandé » à bénéficier d'une aide au retour (le Conseil de l'Europe a plusieurs fois noté que ces « demandes » étaient faites sous la pression des forces de l'ordre) ; mais les OQTF n'ont pas été accompagnées de mesures de reconduite à la frontière, et les Roms roumains étant des ressortissants de l'Union Européenne, ils ont le droit, dès demain, de revenir à Saint-Etienne s'ils le souhaitent.

1396903_3_42c1_au-lendemain-de-leur-expulsion-une-trentaine.jpg

"Au lendemain de leur expulsion, une trentaine de Roms s'apprêtaient samedi soir à dormir place de l'Hôtel de ville à Saint-Etienne. Une centaine d'autres auraient trouvé une place dans d'autres squats." (LeMonde.fr)

Hier matin, les Roms expulsés s'étaient regroupés place de l'hôtel de ville ; puis ils ont voulu occuper une clinique désaffectée, et un terrain de sport non loin de leur campement démantelé : la préfecture est intervenue pour les déloger sans décision de justice car l'occupation était effective depuis moins de 48 heures. Hier soir, une trentaine est revenue dormir place de l'hôtel de villeles autres ayant « disparu dans la nature », allant « un peu plus profond dans les rues ou dans les autres squats qui subsistent », écrit LeMonde.fr.

Cependant, Nicolas Sarkozy pourrait avoir trouvé la parade en rendant les conditions de vie des Roms si précaires qu’il leur devienne impossible de survivre sans commettre de délit, car ils sont ostracisés dans leur droit au logement, leur droit au travail, leur droit à l’éducation et leur droit à la santé.

Conseil-de-l-Europe_logo.jpg

Deuxième élément, ces évacuations de Roms et la discrimination dont ils sont victimes en France ont déjà été sanctionnées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe dans sa résolution adoptée en date du 30 juin 2010 :

« [Le Comité des Ministres] rappelle également que « les Etats parties doivent s’assurer que les procédures d’expulsion soient d’une part justifiées, d’autre part exécutées dans des conditionsrespectant la dignité des personnes concernées, enfin assorties de solutions de relogement ». La loi doit également préciser les modalités de procéder à l’expulsion indiquant par ailleurs les moments dans lesquels elles ne peuvent pas avoir lieu (nuit ou hiver), définir des voies de recours juridiques, offrir une assistance juridique à ceux qui en ont besoin pour demander réparation en justice, et assurer une indemnisation en cas d’expulsion illégale ».

Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a constaté dans son mémorandum que la question des expulsions est particulièrement problématique et plonge les familles dans un climat de crainte. « Ces expulsions sont souvent caractérisées par le recours à des méthodes brutales, au gaz lacrymogène et à la destruction de biens personnels ». À la suite de certaines expulsions, la Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a conclu à des actes de violences injustifiés et disproportionnés. ».

european-commission-flag.jpg

La Commission Européenne est mise sous pression par certains pays membres sur la question des Roms, comme la France ou l’Italie ; elle a néanmoins rappelé les directives en vigueur, « très claires »selon elle. « À savoir que tout citoyen européen a le droit de circuler ou de séjourner dans un Etat membre à condition de disposer de ressources suffisantes et de ne pas menacer la sécurité publique. Ensuite chaque cas doit être examiné individuellement par les Etats et il ne peut, en tout cas, y avoir d’expulsions en raison de l’appartenance à un groupe déterminé, a souligné un porte-parole », rapporte Le  Monde daté du 3 août 2010. Quant à la question de savoir si la mendicité à laquelle se livrent les Roms constitue une menace pour la sécurité publique, la Commission Européenne botte en touche : « C’est aux Etats d’apprécier ».

viviane-reding.jpg

Viviane Reding, Commissaire européenne chargée de la justice et des droits fondamentaux des citoyens

Le son de cloche est « légèrement » dissonant chez le porte-parole de la Commissaire chargée de la justice et des droits fondamentaux des citoyens, Matthew Newman, qui s’exprimait le 29 juillet 2010 : « L’expulsion d’un citoyen européen au sein d’un pays membre doit se faire après examen, par les autorités du pays, de la réalité des crimes commis par la personne, et des conditions de son intégration dans le pays où elle sera expulsée ».

Le 30 juillet, une vingtaine d’associations a envoyé une lettre au secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, Pierre Lellouche, l’invitant – non sans humour (noir) – à visiter les communautés roms de Roumanie pour y voir les conditions « dignes du Moyen Âge » dans lesquelles vit cette minorité.« Nous espérons que vous aurez ainsi une image plus claire des conditions réelles de vie des Roms et comprendrez leur besoin de mobilité à travers l’Europe », écrivent les associations. De fait, la Commissaire chargée de la justice et des droits fondamentaux des citoyens, Viviane Reding, avait déclaré en avril, avant un sommet européen sur les Roms : « Il est inacceptable que cette minorité ethnique subisse des discriminations. ».

ee636ee62173d47842b31e8afe364d.jpg

Birgitta Ohlsson, ministre suédoise des affaires européennes

e92898cd89ca445c69eb5a9b1fb70c.jpg

Nyamko Sabuni, ministre suédoise de l'Intégration et de l'Egalité des genres, également responsable de la Démocratie, de la Jeunesse, des Grandes villes et de la Consommation

La Suède, de son côté, demande à la Commission européenne un « plan d’action contraignant » pour résoudre la « situation alarmante » des Roms en Europe. La ministre des affaires européennes suédoise, Birgitta Ohlsson, et sa collègue chargée de l’intégration, Nyamko Sabuni, demandent à Viviane Reding, d’agir « immédiatement » ; à défaut la Suède entend saisir le conseil des ministres européen.

Nicolas Sarkozy, en décidant de procéder au démantèlement de 200 campements roms dans les trois mois, n’apporte aucune solution au problème des camps roms roumains ou bulgares illégaux, qu’il ne fait que déplacer. À moins que, cyniquement, Nicolas Sarkozy ne cherche à pousser les Roms à commettre des délits pour pouvoir les expulser plus facilement ? Leur situation avant tout démantèlement systématique des camps est déjà tellement précaire !

Ce faisant, Nicolas Sarkozy bafoue un peu plus une résolution du Conseil de l’Europe, sème la discorde avec son ami Silvio Berlusconi au sein de l’Union Européenne, et risque de voir la Suède l’épingler en Conseil des ministre européen après qu’une sanction ait déjà été adoptée contre la France sarkozyste par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en juin 2010.

nytlogo152x23.gif

En bref, Nicolas Sarkozy, en plus de stigmatiser la population rom déjà discriminée et d’être inefficace dans la résolution des problèmes qui lui sont posés, salit et abîme l’image que la France a d’elle-même, et qu’elle donne au monde entier, jusqu’aux Etats-Unis et au très prestigieux New York Times (Xénophobie : expulser les non-français, édition du 5 juillet 2010).

Frédérick Moulin

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
<br /> <br /> Merci pour vos bons sentiments pour les Roms résidant en France, mis à part le fait qu'il s'agit d'un tissu de démagogie et que la réalité est tout autre. Je suis bien placé pour le savoir car je<br /> vis et subis tous les jours les désordres occasionnés par cette minorité. Sans parler des vols et des dégradations au bien public sans que réparation ne soit obtenue, je vois bien que des<br /> associations dites humanitaires distribuent quantité de vêtements et autres effets à ces personnes qui ne tardent pas à s'en débarasser ou à les revendre. En conclusion, passez deux semaines dans<br /> le quartier de la Guillotière à Lyon et vous comprendrez peut-être.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre

Page D'accueil

  • : Militants de l'Espoir à gauche
  • : Militants de l'Espoir à gauche réunit toutes celles et tous ceux qui soutiennent la ligne politique de Ségolène Royal pour une gauche démocratique, sociale, et écologique.
  • Contact

La fabrique AGIS !

dominique bertinotti (2)Dominique BERTINOTTI (75), Philippe ALLARD (75), Amale CHEBIB (75), Fabien SECHERRE (75), Françoise DEGOIS (75), Cyril CIBERT (86), Cécile FORTINEAU (23), christian CHOTARD (91), Eliane LEMAGNEN (64), esfand KHALAF (90), Laure BARGUILLET (87), Ahmed LAARAJ (30), Isabelle MALBERTI (75), Guy VERDIER (13012), catherine CANTAU (40), gilles CAILLET (91), Noëlle PLANCHAIS (56250), Gérard JABUT (69), Jocelyne BERDU (75), Jean-Pierre GUILBERT (75), Hélène MERMBERG, , Eric BRUN (63), Stéphanie SMANIOTTO,Eric CORNIER (33), Joelle FERAL, Gerard RAISER, Catherine RUBIO (33), Didier ANTONELLI, Nabil SANTO (75), Eliane LEMAGNEN (64), Céline LOOT, Pierre NSIMBA-DELEZAY (93), Marianne-Ségolène GINDREY (62), , Monique BONNIN (37), Jean-François THILLET (43), Jacqueline BOULET, Alain MAIRE (76), Caroline BERTRAN, Jacques MAZELLA (44), Christiane CHIROL, Rodrigue KOKOUENDO (77), Robert SIMON (75), francoise LALLIER (78), Sylvette GIRARD (28), claudine MOURET (41000), alban GUAY (37), roland ASTIER (38), mirella GOULOIS (62300), Michel CHARPENTIER (73), marie-neige PHILIPPE (44), Jean Jacques BAUGÉ (37), rachida MAZARIE (94), jacqueline LAKSANDER (2), pierrette LARDREAU (19100), martial LEHOUX (24), Rene PHILIPPEAU (91), Jean-Pierre HERY (2), Christine MALCOR (91), Jean KOMOROWSKI (33), , , Patricia VAN HALUIDYN (86), Claude BILLARDON (75), J-RAYMOND MAGUEUR (29), Claire CLAUDE (49), David VIEILLE, Laetitia DE WARREN (69), Georges RAULT (35), Michel CHATAIGNER (76), Chantal DEPUERS (6), YOLANDE PAVAN (93270), Maïté CAZAUX (33), Colette CHARBONNE (31), Hiroko KOMORI (75), M.J. SINAT (77), France-Marie NESPO-BIAIS (78000), Elisabeth HUSSON (75), Martine TREGRET (91), Andrée & Marie-Paule AUFAURE (3), Bernard JANODET (69), Yves FRUCHON (69), christiane NOUGARET (30), véronique SAINT-PAUL (75020), Marie-Noëlle VIBERT (94), Annick LE ROY (91), micheline HAREL (75), francoise QUELIN (77), jean baptiste TROUPLIN (75020), Elisabeth ARNAUD (33), Jean BRUNEL (13), Maryse MARTIN (17), Jacques ERNEST (92), Maurice BUTTIN (75015), Alain DRONEAUD (72430), Norel Houda AUMONT-GHÉDIR (75), Vanessa BAUDAT SLIMANI (45), CLAUDE TARRIERE (92500), Gérard PARCOT (91), FRANCK DAGORNE (56890), Ariane MATHIEU (77), Philippe POIGNANT (50), , Nadine AMIEL (75), Bernard FERRÉ (78), José THIOLLET (86), jerome DOUADY (38), Marcel AMIEL (75), arsene BOUTERFA (93500), sylvie SAINT PIERRE (95100), , Aurélien LONGÉ-LÉTANG (86), Fabrice BERARDI (13), Hubert TERRIGHI (47), Martine LEBRUN (94130), jean BURNELEAU (85), Marie FARRET (16), Janine CRESPIN (75013), sandrine PIERRON (86), cartier FLAVIEN (86), Dominique MENNESSON (94), Pierre BRUSSELLE (94), Eric DUCROS (86), , Romain ZARKA (75), Brigitte BEAUMANOIR (95), Olivier SALVANO-LUBESPÈRE (75), francoise ROZAN (12), Francine GILBERT REULIER (92), Christian AGON (75003), alain PIQUET (76), Laetitia CHEVROT (63), CHRISTIANE GOMEZ (86), Marc BONNICHON (33), Joëlle DE CORTE (17), Nadjet BOUCHIKHI (13), Yves FRUCHON (69), maryleine SIGRIST (5), Françoise CLEOSTRATE (34), Sébastien COUDRY (25), nicolas METIVIER (86), pierre HUYARD (17), Cécile GUILBERT (63), Bonaventure MBAYA (91), Bernard JANODET (69), Régis COTTET (86), martial LEHOUX (24), anthony ROUSSEAU (86), jean claude MAURIN (30), Jean-Claude CHEBROU (63), bruno OLIVIER (78), Jean-François VIONNET (26), ...

Pour rejoindre la fabrique socialiste AGIS : link