Parcs d'éoliennes offshore Horns Rev 1 et Horns Rev 2 au Danemark
Dans sa contribution à la convention du Parti socialiste sur le nouveau modèle de développement « Pour la croissance verte et la social-écologie », Ségolène Royal mettait en avant deux points :
« Les collectivités territoriales, et particulièrement les Régions et les villes, jouent un rôle majeur d’impulsion qui doit inspirer l’Etat dans les prochaines années.(…)
Des choix budgétaires doivent être faits. Ils ne sont pas faciles (…). S’ils ne sont pas faciles, ces choix sont acceptés par les citoyens dès lors qu’ils sont associés à la compréhension des enjeux et aux décisions prises. C’est le rôle de la démocratie participative. (…)
La croissance verte et la conversion écologique de l’économie ne sont pas que l’affaire des développeurs publics et privés. Pour s’ancrer durablement et de façon harmonieuse, la croissance verte doit être l’affaire de tous.
L’émergence d’un nouveau modèle de développement social-écologique doit passer par l’appropriation des enjeux et des actions à l’échelle des citoyens, avec la démocratie participative et avec le renforcement du lien social. »
Ce sont exactement les principes qui ont permis le développement vertueux de l’énergie éolienne et de la filière industrielle liée au Danemark.
Dans ce pays scandinave, 22% de l’électricité produite est d’origine éolienne, que les installations soient terrestres ou maritimes. L’histoire de ce succès est simple.
« Le mouvement pour les éoliennes est parti du terrain. Les premières petites éoliennes ont été installées par des coopératives issues de communautés ou de municipalités », explique Ann Pedersen Bouisset du ministère des affaires étrangères danois et spécialiste auprès de son gouvernement des questions d’énergie renouvelable.
En février 2008 le gouvernement et le Parlement danois ont élaboré un accord de politique énergétique définissant la stratégie du pays dans ce domaine. Cet accord permet aux habitants de participer financièrement à des projets de parcs éoliens proches de chez eux ; et un fonds aide les associations de propriétaires locaux de turbines à financer les études préliminaires de projets d’implantation. Aujourd’hui, plus de 100 000 familles danoises sont actionnaires de parcs éoliens dans ce pays de 5,5 millions d’habitants.
Cet accord a amené les Danois à se sentir directement concernés par l’éolien. Selon un récent sondage, 90% des Danois interrogés citent en priorité l’éolien pour le développement des énergies renouvelables. Les projets de parcs éoliens installés en mer n’ont pas été combattus par les pêcheurs : par la discussion, les pêcheurs ont réussi à faire déplacer le schéma d’implantation originellement prévu, et ils ont reçu 1 M€ d’indemnisation.
La simplification maximale du processus d’instruction des projets a aussi contribué au succès de l’éolien. La Danish Energy Authority a mis en place un guichet unique rassemblant les différents ministères concernés et Energinet, l’organisme qui gère le transport d’électricité. Ce guichet sélectionne les régions où seront développées les capacités de production, coordonne les études et audits environnementaux, puis procède à des appels d’offre. Energinet connecte tout projet avalisé dès qu’il est installé et paie une pénalité au cas où cela n’est pas fait quand la production d’électricité commence.
Aujourd’hui, le Danemark voit plus grand et plus structuré, et pense déjà à renouveler son parc éolien vieillissant.
L’histoire de l’éolien au Danemark est très ancienne, et toujours en constante adaptation et en constante amélioration, à l’image du danois Vestas, premier fabricant d’éoliennes au monde. Fondée en 1898, l’entreprise était alors une forge. Après avoir fabriqué bien des équipements (chambranles de fenêtres, électroménager, urnes à lait réfrigérantes, grues), Vestas commence à expérimenter en secret des systèmes éoliens en 1971. En 1979, Vestas installe sa première turbine productrice d’électricité, d’une puissance de 30 kW. En 1991, Vestas vend sa 1 000ème turbine, et en 1994, la turbine T44 atteint 600 kW. En 2003, la turbine V90 a une puissance de 3 MW.
Le parc d'Horns Rev 1 au large du port danois d'Esbjerg
Actuellement, le plus grand champ d’éoliennes au monde se trouve au large des côtes danoises, dans le double champ Horns Rev 1 (2002) et Horns Rev 2 (2009).
Horns Rev2 se situe à 30 km de la côte ouest danoise. 91 turbines, qui tournent jour et nuit et par tous les temps, sont déployées sur 35 km2 pour 209 MW de puissance. Horns Rev 1, plus proche de la côte, compte 80 machines d’une puissance totale de 160 MW.
Le développement du réseau éolien en mer constitue le principal objectif du Danemark, qui compte par ce moyen produire 50% de l’énergie électrique consommée d’ici à 2025. Par ailleurs, selon Ann Pedersen Bouisset, il existe déjà un groupe de 10 pays qui étudie, à Bruxelles, la connexion via un réseau électrique sous-marin de toutes les éoliennes offshore de la mer du Nord, le North Sea Grid. Le but : livrer une énergie propre et peu coûteuse aux pays d’Europe du Nord.
Car au-delà de l’aspect écologique et énergétique de l’éolien danois, il existe aussi un important aspect économique et social. Au Danemark, 30 000 personnes travaillent dans la filière de l’éolien. Le Danemark est le pays du leader mondial des fabricants d’éoliennes, Vestas, et Siemens, un important acteur du secteur, fabrique également des éoliennes au Danemark. En 2010, les ventes de technologie éolienne devraient représenter 10% des exportations du pays, constituant ainsi le 3ème poste d’exportation. Au-delà des emplois directs, la filière éolienne danoise génère des milliers d’emplois indirects, de sous-traitance : transport des éoliennes, maintenance ou sécurisation des éoliennes par exemple.
Le transport de turbines est un des métiers connexes à la filière éolienne où des milliers d'emplois sont créés
La base portuaire de Vestas et de Siemens au Danemark est Esbjerg. Ce port, ressuscité une première fois grâce à la manne pétrolière et gazière de la mer du Nord, profite désormais pleinement de son rôle de « première plate-forme logistique du pays pour les équipements offshore », souligne John Snedker, un des élus de la ville : il vit du pétrole et du gaz (9 Md€ de chiffre d’affaires, 13 000 emplois) , et de l’éolien (11,3 Md€ de chiffre d’affaires et 30 000 salariés).
Ce modèle a donné des idées au Royaume-Uni, qui pense à reconvertir son activité côtière de la mer du Nord : les gisements de pétrole s’épuise, et le pays veut soutenir l’activité de ces régions. D’importants appels d’offre ont été lancés, et l’objectif est de produire 32 000 MW dans les années à venir, la moitié de la puissance des centrales nucléaires françaises. Le projet le plus avancé est celui de London Array, à l’embouchure de la Tamise ; le parc devrait permettre au Royaume-Uni d’organiser en 2012 des jeux olympiques alimentés en électricité 100% renouvelable.
En France, la situation est nettement plus défavorable ; quelques initiatives existent néanmoins. Une association bretonne, Eoliennes en pays de Vilaine, souhaite promouvoir « l’éolien citoyen ». « L’énergie éolienne est une énergie décentralisée. Il faut permettre aux collectivités et aux riverains d’en prendre la maîtrise. En gérant des projets, les gens s’aperçoivent que produire de l’électricité coûte cher, et il est ensuite plus facile de faire passer le message sur la nécessité des économies d’énergie », explique son président Michel Leclercq.
Des études ont été menées par l’association autour de Redon (Ille-et-Vilaine) pour identifier des sites propices. Leur coût, 300 000 euros, a été partagé entre certains membres, le groupe de finance solidaire Cigales, et le Conseil général de Loire-Atlantique. Deux sites adéquats ont été identifiés et des permis de construire ont été déposés en 2008. Un site se trouve à Béganne (Mobihan), où l’autorisation d’installer 4 éoliennes de 2 MW a été obtenu en juillet 2009. L’opération de 12 M€ sera financée en grande partie par emprunt bancaire, ainsi que par le Conseil régional, la communauté de communes et la Caisse des Dépôts et Consignations. Un apport en fonds propres par appel public à l’épargne des particuliers est envisagé, mais il devra d’abord obtenir l’aval de l’Autorité des marchés financiers. Si tout va bien, en 2011 ou 2012, Béganne devrait être le premier parc éolien « citoyen » de France.
Un parcours du combattant donc pour réaliser ce projet somme toute de taille moyenne – 8 MW, très loin des 160 MW de Horns Rev 1 ou des 209 MW de Horns Rev 2. Et une procédure bien plus compliquée et démotivante qu’au Danemark. Des élus, alsaciens notamment, avaient convaincu au printemps 2010 un député UMP, Antoine Herth, de déposer un amendement à la loi Grenelle 2 pour avoir la possibilité, au niveau des collectivités territoriales, de créer des sociétés d’économie mixte qui investiraient dans des parcs éoliens.
Mais ces propositions n’ont pas été discutées. Le rapporteur du texte de loi, Serge Poignant, et le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, ont estimé selon M. Herth « qu’elles impliquaient de trop lourdes obligations pour les porteurs de projet ».
Hélas, la France, pour l’éolien, n’est pas le Danemark, et Ségolène Royal préside la Région Poitou-Charentes, pas la France. Comme l’écrivait Michèle Delaunay hier sur son blog en parlant de la Sarkozye :
« Notre malheur, c'est cette pérennité à Paris d'une équipe de malheur. »
Frédérick Moulin