Photo : AFP/Thomas Coex
Hier dans la soirée, après l’annonce de l’arrestation d’une mineure qui aurait reconnu avoir participé à l’effraction du domicile de Ségolène Royal à Boulogne-Billancourt mercredi dernier, la présidente de la Région Poitou-Charentes a diffusé le communiqué suivant :
« Ségolène Royal demande à ceux qui déclarent coupable une jeune adolescente de 14 ans de se calmer et d’attendre la fin de l’enquête. Il faudra notamment savoir si des empreintes extérieures au domicile sont une preuve suffisante et si une adolescente de 14 ans, seule, a la force de fracturer une porte-fenêtre. Ségolène Royal fait toute confiance aux enquêteurs pour poursuivre leurs investigations. »
Ségolène Royal vous invite à le diffuser largement auprès de vos amis.
Cela paraît d’autant plus nécessaire que LCI, sur son site, a diffusé un étrange article samedi à 17h06. LCI appartient au groupe TF1, filiale à plus de 43% du groupe Bouygues, dont le PDG est Martin Bouygues, témoin au second mariage de Nicolas Sarkozy, parrain de Louis Sarkozy et invité au Fouquet’s le soir de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.
Que disait l’article de LCI ? « Une mineure de 14 ans a été arrêtée dans la nuit de vendredi à samedi en flagrant délit lors d'un cambriolage à Neuilly-sur-Seine. Elle a reconnu avoir participé au vol mercredi chez Ségolène Royal, où ses empreintes avaient été retrouvées. »
On notera l’imprécision du titre de l’article, parlant de « vol », alors qu’il s’agit d’une effraction et d’une mise à sac, aucun objet n’ayant été dérobé selon les déclarations de Ségolène Royal. Le mot « vol » est ensuite repris dans le corps de l’article, appuyé par les termes « cambriolage »ou « cambriolé », cités 5 fois.
Un vol, c’est banal. La preuve : les empreintes de l’adolescente « ont également été retrouvées dans une dizaine de cambriolages qui ont eu lieu l'été dernier », selon LCI.
Une effraction, après les effractions des locaux du Mediapart, du Point, de Rue89, et du domicile d’un journaliste du Monde, c’est nettement moins banal, et ça a une toute autre connotation.
Le domicile de Ségolène Royal à Boulogne-Billancourt (AFP/Miguel Medina)
On apprend que cette adolescente de 14 ans est « enceinte », et qu’elle est pour le moment la seule à être entendue par les enquêteurs. Pourtant, lors de son arrestation « dans la nuit de vendredi à samedi en flagrant délit lors d'un autre cambriolage à Neuilly-sur-Seine », elle était, selon LCI, « en compagnie de deux majeurs ». Par ailleurs, en dehors du fait que l’adolescente a laissé ses empreintes sur la porte-fenêtre, « une écharpe avait été également retrouvée dans l’appartement de Ségolène Royal, mettant les enquêteurs sur les premières pistes de l‘enquête », rappelle Le Parisien samedi à 19h24. Pas de chance pour l’adolescente arrêtée : une écharpe et des empreintes retrouvées.
Résumons : une adolescente de 14 ans enceinte aurait fracturé seule (dans l’état actuel de l’enquête) une porte-fenêtre de l’appartement de Ségolène Royal et aurait mis sens dessus dessous les chambres de ses filles sans rien voler, alors que lorsqu’elle a été arrêtée 2 jours plus tard sur un cambriolage à Neuilly, elle était accompagnée de 2 majeurs. Et comble de malchance, elle aurait laissé des empreintes faciles à identifier sur la porte-fenêtre, ainsi qu’une écharpe. Cela parait-il vraisemblable ? Où est le mobile, comme on dit ?
C’est sûr, s’il s’était agi d’un vol, ça aurait été plus simple. D’abord, ça aurait donné un mobile à l’adolescente arrêtée. Ensuite, un vol sans effraction, ça aurait été à la portée d’une adolescente de 14 ans enceinte et seule. D’où l’importance du mot « vol », employé dans le titre de l’article de LCI à la place d’ « effraction ».
Le lecteur RAY44, qui n’a pas lu la presse, visiblement, écrit dans Le Parisien : « Déjà à gauche on délirait, maintenant c'est Segolène qui se fait cambrioler par une mineure qui omet de visiter la chambre de l'ex-candidate...No comment ». Ce lecteur aurait su, s’il avait lu la presse, que Ségolène Royal, suite aux cambriolages dont elle a été victime par le passé ferme à clé la porte de sa chambre. Tout simplement.
À 22h16, LCI a ajouté le communiqué de Ségolène Royal à son article, titrant « Royal demande de "se calmer" ». Un titre, encore une fois, qui n’est pas totalement neutre.
Il est temps, en effet, « que les enquêteurs poursuivent leurs investigations », comme l’écrit Ségolène Royal.
Frédérick Moulin