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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 01:55

apres-la-candidature-de-montebourg-l-emission-d-audrey-pulv

Audrey Pulvar (AFP)

Audrey Pulvar, journaliste et présentatrice de télévision, est revenue, vendredi 26 novembre 2010 dans Libération, sur son éviction de l’émission politique « Audrey Pulvar Soir » (APS) sur i>TELE suite à l’annonce par son compagnon à la ville, Arnaud Montebourg, de son intention se porter candidat aux primaires du Parti socialiste, annoncée vendredi 19 novembre 2010 au JT de 20 heures sur France 2. Audrey Pulvar rappelle son attachement aux journalistes qu’elle vient de quitter, et, « féministe affirmée », elle constate analyse avec amertume l’attitude que la chaîne i>TELE a eu envers elle :

« Exerçant le métier qu’elle a choisi, une femme serait toujours, au travail et dans la construction d’un raisonnement, incapable de s’émanciper non seulement du jugement dudit compagnon, mais aussi des sentiments qu’elle nourrit pour lui. »

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Audrey Pulvar interviewant Ségolène Royal lors d'Audrey Pulvar Soir (APS) lundi 15 novembre 2010 sur i>TELE

Lors de l’UPP « Liberté et responsabilité de la presse et des médias : une utopie réalisable », mardi 23 novembre, Ségolène Royal est revenue sur cette éviction, dans un passage qui ne figurait pas dans la version initiale de son intervention :

« Je voudrais quand même évoquer le malaise des journalistes, qui n’est pas moins vif, devant ce que beaucoup ressentent comme une dégradation de l’exercice de leur métier. Je suis, par exemple, particulièrement choquée de la façon dont Audrey Pulvar a été débarquée. Elle m’a expliqué au téléphone, j’espère que je ne vais pas lui nuire, qu’elle avait pourtant informé la direction de sa chaîne (…) avant la déclaration de candidature de qui l’on sait. Elle a appris son débarquement 10 minutes après la fin du 20 heures. ».

Dans On n’est pas couché, l’émission de divertissement présentée par Laurent Ruquier sur France 2 hier soir, Arnaud Montebourg, interrogé, est également brièvement revenu sur le sujet :

« Laurent Ruquier : (…) Audrey Pulvar, dont on a voulu écarter sa présence sur une antenne en tant que journaliste. (…) En 2007, de Béatrice Schoenberg, vous disiez qu’il y avait conflit d’intérêt, voilà, avec sa présence au journal de 20 heures, et le fait qu’elle soit la compagne de Monsieur Borloo. Vous avez changé d’avis là-dessus ou pas ?

Arnaud Montebourg : je pense que Monsieur Borloo était ministre d’Etat, c’est-à-dire qu’il occupait une fonction très élevée, et moi je ne suis rien. Je suis candidat à une désignation, et candidat à une candidature. Si j’étais désigné, d’ailleurs avec Audrey nous avions imaginé que cette question se poserait si j’étais désigné, ce que je pense tout à fait possible, mais là je trouve que c’est une décision … que je ne qualifierai pas. Je laisserai à chacun le soin de la qualifier. Je crois que c’est mieux comme ainsi. Si vous me le permettez, par délicatesse, vis-à-vis d’elle et de ses employeurs. ».

Selon un sondage OpinionWay réalisé pour le JDD.fr, 59% des Français juge injustifiée la décision prise par i>TELE de priver Audrey Pulvar d’antenne sous prétexte qu’elle est la concubine d’Arnaud Montebourg. Fait significatif, les femmes sont plus choquées que les hommes du sort fait à la journaliste : elles sont 67% à désapprouver le choix de la chaîne contre 51% pour les hommes.

 

 

Le 10 novembre dernier, "Potiche"le film de François Ozon, est sorti dans les salles ; il met en scène les préjugés d'une époque très conservatrice sur les relations hommes-femmes, qu'il prétend situer dans les années 70 pour "garder de la distance" et "rire d'une situation injuste", comme l'explique François Ozon. La façon dont Audrey Pulvar a été remerciée et les raisons qui ont mené à ce remerciement montrent que les préjugés ont laissé une empreinte profonde dans la société actuelle, dont on supporte encore les conséquences.

Frédérick Moulin

-oOo-

Animale sauvage

Par Audrey Pulvar

lg_libe.gif, le 26/11/2010

Ainsi donc, une femme serait encore condamnée à penser comme et par son compagnon. […] Elle serait toujours incapable de s'émanciper non seulement du jugement dudit compagnon, mais aussi des sentiments qu'elle nourrit pour lui.

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Audrey Pulvar (photo : France 3)

Par toi-même. Par toi et personne d’autre, ma fille. Te réaliser. Réussir ta vie par tes combats et peut-être quelques victoires. Ne compter sur personne pour la faire à ta place. Viatique. Héritage d’une grand-mère maternelle partie de rien, sans personne, au tout début d’un XXe siècle plein de fureurs et de cris. Une négrillonne, le terme de l’époque, sans instruction, ni argent, ni aucune de ces ressources si précieuses pour construire une vie, mais dotée d’une détermination consciente cependant qu’à l’ampleur insoupçonnée à s’arracher, s’extirper du malheur tout tracé. Une énergie qui lui permit de modeler à elle seule façon de dynastie sans possessions ni membres illustres mais dont chacun, et surtout chacune, va - dépositaire d’une puissance inaliénable, transmise de génération en génération. Tranquille assurance de la nécessité de s’approprier sa vie, le seul bien qui nous restera jamais. C’est ce legs qui a déterminé chacun de mes choix personnels et professionnels, chaque rupture, aussi, et fonde ce que je crois pouvoir aujourd’hui appeler un parcours. Chemin heurté mais toujours droit. Nids-de-poule, ronces, oasis, menaces et tempêtes : l’indépendance coûte cher. Il n’est pourtant de prix que je ne consente un jour à payer pour elle.

Féministe assumée, revendiquée et prosélyte. Dans la société matriarcale d’où je viens, la question ne se pose même pas. Ce qui m’arrive aujourd’hui ne pouvait donc que faire bondir l’animale sauvage que je demeurerai jusqu’à mon dernier souffle. D’aucunes, d’aucuns, se sont étonné(es) que je déclare comprendre la décision prise à mon encontre. Faire partie d’une entreprise, en être l’un des visages connus, entraîne une obligation de solidarité et de réserve que je sais observer. Ne pas trahir la confiance de gens que j’aime. Professionnellement, ne pas exposer une rédaction entière à un soupçon semble-t-il inévitable, ce n’est pas faire preuve de mollesse, mais de responsabilité. Ne pas apparaître comme l’instrument de telle ou telle chapelle politique, ce n’est pas de l’hypocrisie, mais de l’instinct de survie ! Pour autant, ménager son entourage et modérer son expression n’empêchent pas de penser. Par soi-même.

Ainsi donc - et bien au-delà de mon cas, qui n’est rien au regard des difficultés que des millions de femmes affrontent chaque jour en France - aujourd’hui, une femme serait encore condamnée à penser comme et par son compagnon (remarquez que la question ne se pose jamais pour un couple de femmes). Exerçant le métier qu’elle a choisi, elle serait toujours, au travail et dans la construction d’un raisonnement, incapable de s’émanciper non seulement du jugement dudit compagnon, mais aussi des sentiments qu’elle nourrit pour lui. La femme, cet être fragile et émotif comme chacun sait, pas assez autonome pour affronter seule une éventuelle attaque (verbale !) d’un interlocuteur malhonnête, pas assez armée pour faire la part entre sa vie privée et son engagement professionnel ? Un cerveau in-disponible en quelque sorte, parce que colonisé par celui de l’homme qu’elle aime… La question ne concerne pas que moi. Elle est le quotidien de milliers de femmes ayant réussi, à force de travail, à construire une carrière, à exercer des responsabilités, à porter l’image d’une grande entreprise, d’un groupe, d’un parti politique. Un procès permanent en incompétence, manque de maîtrise ou hystérie. Une culpabilisation générale, parfois autoalimentée, à propos de notre prétention à vouloir tout réussir à la fois. Une négation, également, de nos choix, dès lors qu’ils dérangent l’ordre établi. Voyez la démesure des réactions provoquées par le simple refus d’une ministre de dévoiler le nom du père de son enfant. Comme si passer au crible le travail qu’elle a fourni au poste qui était le sien revêtait moins d’importance pour le pays que l’intimité de sa vie de femme…

Non, je ne vis pas dans une bulle, indifférente à la critique ou au questionnement. Oui, je sais que ma vie de personne publique suppose une rectitude privée permanente. Oui, concrètement, aimer un responsable politique n’est pas la configuration la plus simple à gérer pour une journaliste politique. J’ai cru pouvoir être jugée sur pièces… A tort.

Propriétaire de ma vie, de mes pensées et choix. Ainsi me suis-je construite. Avec l’aide d’autres, mais sans avoir rien volé de tout ce que j’ai conquis. Considérée à mon corps défendant comme une manière d’étendard pour tous et toutes les nous autres que je rencontre parfois. Exclus de toutes couleurs et-ou origines sociales. C’est à eux que je m’adresse aujourd’hui. Nous autres, non destinés à la vie que nous avons choisie. Marqués du sceau de déterminismes ineptes, mais porteurs de cet inaliénable désir d’échapper à la dépossession de soi. Humains, debout. Intacts.

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