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Militants de l'Espoir à gauche réunit toutes celles et tous ceux qui soutiennent la ligne politique de Ségolène Royal pour une gauche démocratique, sociale, et écologique.

"Qu'est ce que le Ségolénisme ?" par Sandrine Piaskowski (partie 1)

AXE PREMIER : DEMOCRATIE PARTICIPATIVE ou UN NOUVEAU FONCTIONNEMENT POLITIQUE

 

A ) Participer ou l’émergence de nouvelle forces

Quand nous évoquons de NOUVELLES PRATIQUES POLITIQUES, nous pensons démocratie participative,  rassemblement de forces  et mouvements syndicaux, associatifs, etc… ce qui n’est somme toute que décliner la fraternité vue comme  l’  « agir ensemble » ! Il va sans dire que cela ne correspond     pas  à  l'actuelle "rénovation" du PS  , lequel prône un "vivre ensemble" qui en fait reste  dans la "verticalité" ! « Ah, écrit Stéphane Alliès, dans un article de Médiapart[1] cette fameuse «démo-part» raillée à longueurs de tribunes et de discours par les amis et ennemis politiques de Royal durant la présidentielle de 2007 ? Six ans durant, ( à savoir : en Poitou Charentes, dès 2004) elle s’est pourtant appliquée, et pas seulement de façon superficielle et communicationnelle ». Les étapes de la démarche participative expérimentée notamment à Porto Alègre[2] sont connues  : identification des problèmes à régler, établissement de la hiérarchie des urgences et des investissements, examen de leur compatibilité avec les ressources disponibles, quitte à augmenter ces dernières par des mesures fiscales redistribuant la richesse des plus privilégiés vers les plus démunis, transparence dans les modes d’élection, etc … Certes dans un Etat tel que la France, il ne s’agit pas de jeter la démocratie représentative aux oubliettes. Il s’agit en fait de conciliation, de faire en sorte qu’à un stade donné, chacun se sente réellement représenté, car il aura pu apporter sa pierre à l’édifice, aura été écouté et respecté.

1 ) Un élément de réponse à la crise démocratique, loin de tout discours démagogue

Ségolène Royal avait été particulièrement attaquée lors de la campagne présidentielle de 2007 sur sa proposition de « jury citoyens » , aussitôt assimilée aux tribunaux populaires de l’ère Mao ! Nous verrons que nous en sommes loin.

Il ne s’agit pas de développer la démagogie du « n’importe qui peut prendre une décision», qu’on nous opposera facilement, dès lors que nous parlons de démocratie participative (l’expression soulignée est de J.C. Milner, précisément ancien Maoïste [3]): La démocratie participative ne correspond pas à un tel discours idéologique lequel «  n’est en vérité que l’ombre portée du capitalisme financier » , pour reprendre les termes mêmes de Milner dans un entretien, accordé à Marianne[4], En bref, nous devons refuser de nous laisser ranger parmi certains de ces « idéologues actuels de la démocratie » qui prônent ce discours du « n’importe qui peut prendre une décision » . Il importe de dire que nous n’en sommes pas ! Milner ajoute en effet que la plupart des anglo-saxons en admettant l’horizon, du « n’importe qui » pensent qu’il faut revenir à un dispositif de multiplication de règles prises de manière autonome . Or, c’est l’esprit même du slogan de Nicolas Sarkozy avec son slogan du « tout est possible » ! Il convient de rappeler que Hannah Arendt voit le « tout est possible » comme la croyance fondamentale du totalitarisme. Et Ségolène Royal a eu raison, lors du débat télévisé du 2 mai 2007 de dire à N. Sarkozy : « avec vous, tout est possible, même le pire ». Car le slogan choisi laisse entrevoir la totalité des possibles, qui ne sont pas même imaginables en des « circonstances normales ».

Un autre point de vue, un autre « modèle », considère que nous ne reviendrons pas, après la crise, à la situation antérieure et qu’il faut repenser totalement le modèle de la régulation ; dès lors ce n’est pas « n’importe qui » qui édicte les règles. C’est ici que se pose la balance entre « limité » et « illimité ». La question de « qui décide, qui détermine les règles» est de nouveau posée ; or, Milner nous dit en fait que pendant la seconde guerre mondiale, non seulement il a été admis que cela pouvait être n’importe qui, mais également que ce « n’importe qui» a pu être Hitler [5]. L’écueil apparaît dès lors clairement  : puisque cela ne doit pas être « n’importe qui », comment arrive-t-on à faire que cela ne soit pas « n’importe qui » sans passer par des procédures d’exclusion, de mise à l’écart, d’enfermement, d’emprisonnement ? La pensée politique classique a posé comme énonciateur des règles le peuple constitué en instance légitime, par exemple en contrat social. La conclusion de Milner au regard de la crise actuelle est dès lors qu’il faut repenser non seulement la régulation, mais également la notion même d’institution. C’est là que peut se greffer une réflexion novatrice sur la démocratie participative, laquelle n’est pas la règle du tout est possible ou du tout est permis. Mais elle passe par le respect des libertés et la considération de l’être humain .

2) La démocratie participative entend donner la parole au citoyen , elle n’exclut pas pour autant le politique ou l’expertise

Se pose en fait la question du rôle du politique eu égard tant à l’expert qu’au citoyen. Le politique peut se reposer sur l’expertise, il peut aussi s’en affranchir. Milner, dans le même entretien[6] avance que la tendance de l’expert est de dire : telle situation est improbable, ou a pour le moins une probabilité très faible de se produire. Et ils s’adressent aux politiques en disant : puisque c’est peu probable, vous pouvez considérer cela comme marginal et n’en pas tenir compte. Or, c’est que précisément à ce moment que le politique aurait dû dire : mon rôle de politique est d’intégrer dans le champ du possible ce que vous dites être le plus improbable ».

En bref, le politique et le citoyen sont à un point d’évolution de notre société secouée par la crise financière, de vouloir remettre la main sur l’action politique. Les forts taux d’abstention , les votes en faveur de l’extrême droite , laissent penser que le peuple ne croit plus en l’action politique. Nicolas Sarkozy était parvenu à le séduire en arguant de son volontarisme politique. La déception de ces mêmes votants est grande aujourd’hui. La démocrate participative, la considération de ces personnes en tant que citoyens, êtres pensants et reconnus comme tels est le moyen de réintégrer les électeurs des catégories populaires dans l’action et le choix politique.

La démocratie participative suppose que le politique admette le partage du pouvoir , non qu’il l’abandonne ou se défausse. Les jurys citoyens proposés par Ségolène Royal dès la campagne présidentielle ont été caricaturés comme de nouveaux tribunaux révolutionnaires !

La région Poitou-Charentes a fait le choix, pour évaluer l'efficacité des politiques mises en œuvre, d'associer des citoyens tirés au sort, lors d'ateliers et jurys citoyens. Comme elle s'y est engagée, la Région indique les suites données aux propositions du Jury citoyen. Il faut bien garder à l’esprit que, dans ce cadre, les élus gardent leur pouvoir de décision. Le jury délibère et émet des recommandations, il remet un avis. Les élus doivent répondre avec précision aux recommandations et critiques. Si une proposition n’est pas suivie, les élus en expliqueront la raison[7]. L’idée est donc fondamentalement de permettre aux élus de mieux exercer leur pouvoir, sur des questions ayant un enjeu concret, bien loin des conseils de quartier de nos villes !

Stéphane Alliès dans son article du 8 mars 2010 pré-cité (Médiapart.fr) indique n’avoir pu s’empêcher de soumettre un cas d’école à Sophie Bouchet-Petersen, conseillère de Ségolène Royal, : «Si vous aviez soumis la décision d’entrée au capital d’Heuliez à l’évaluation du jury et qu’il avait voté massivement contre, la région se serait-elle désengagée ?» La réponse fut la suivante : «Je pense qu’on n’aurait pas reculé. D’abord parce que, contrairement aux budgets participatifs lycéens, nous ne sommes pas liés aux décisions des jurés, ensuite parce qu’il faut parfois assumer d’être minoritaire. Comme on assume un leadership avant-gardiste.»

La délibération des citoyens assemblés peut en fait compléter efficacement les institutions représentatives. William Keith[8] a montré qu’un « paradigme de la discussion » a émergé aux Etats-Unis au début du XXème siècle … sous l’influence notamment des écrits de philosophie pragmatique de John Dewey. Il a ensuite décrit comment les idéaux de la discussion en sont venus à prendre forme dans les années 1920 et 1930 dans diverses formes de « forums publics », lieux d’éducation civique.

On ne peut éluder cependant le fait que la nouvelle demande de participation qui émerge dans nos démocraties (cf. blogs, forums, journaux participatifs, concertations, etc … exprime une insatisfaction à l’égard de la démocratie représentative et de ses processus habituels de médiation . Il ne faut pas confondre toutefois « nouvel esprit de la démocratie»[9] et rhétorique de la proximité. A la tribune de l’Assemblée nationale, en novembre 2002[10], Ségolène Royal avait déjà critiqué la «démocratie de proximité» défendue par Jean-Pierre Raffarin, lors du débat sur la nouvelle loi de décentralisation. C’est pourquoi les conseils de quartier ne relèvent pas de la démocratie participative ; nous parlerons de démocratie participative dès lors qu’y aura un enjeu concret à la clef.

B) Le respect de la parole citoyenne ou « Reconstruire une vie sociale qui ait un certain contrôle de soi »

1) Vers l’ « empowerment » ?

L’empowerment se définit comme l’appropriation – ou la réapproriation – par chacun de son pouvoir ou d’un certain contrôle sur sa vie.

a) Respect de l’individu et renaissance de l’action sociale.

J’évoquerai d’abord ici les analyses d’Alain Touraine telles qu’il les a présentées lors d’une conférence tenue en février 2010[11]. La crise a mis en évidence le fait que nous sommes dans une situation où l’économie n’appartient plus à la société . Parler d’économico-social il y a 50 ou 100 ans apparaissait comme un progrès, or cet économico-social n’est plus et nous assistons à la séparation de l’économique et du social. Et si l’on admet que le social était fait pour contrôler, organiser, , orienter l’ action économique dans des buts choisis par la majorité de la société, nous pouvons dire avec Alain Touraine, que les institutions sociales n’étant plus capables d’orienter, de contrôler, de réguler la vie économique, ces institutions sont en décomposition. C’est pourquoi il est possible de parler de crises au pluriel : crise de la ville, crise de l’Etat, crise de la démocratie, crise de la famille, crise de l’école, crise de la justice

 

Nous en sommes au stade où il faut reconstruire une société, recomposer un système social. En bref, quelle est la valeur, la force ou l’objectif social qui peut s’opposer à un système financier axé sur la recherche du profit, auto-suffisant et  sans aucune fonction sociale? Ceci dans le double cadre défini par Touraine (séparation dorénavant complète de l’économie et du social, et un social en ruines). Pour lui, la sensibilité d’aujourd’hui est culturelle – en ce sens qu’elle porte sur les fondements mêmes des orientations culturelles de notre vie personnelle et collective.

Ainsi, les forces sociales aujourd’hui passent par des mouvements participatifs : les mouvements de femmes, les mouvements de l’écologie politique, les groupes de défense des minorités « intelligemment définis », etc … Dès lors Touraine fonde son raisonnement sur une nouvelle alternative : si nous avons d’un côté l’économie, de l’autre se trouve le SUJET, à savoir la volonté des individus et des groupes d’êtres maîtres de leur propre avenir, de se commander eux-mêmes en fonction de ce qui le mérite, à savoir de leurs droits. Le « droit d’avoir des droits » lui apparaît comme le facteur de mobilisation des individus. On pourra opposer ici un risque de dérive consumériste ; Touraine défend pour sa part une approche fondée sur le RESPECT. Les forces les plus profondes pour la renaissance d’une action sociale reposent en effet sur la volonté d’être respecté, de ne plus être humilié.

A. Touraine évoque deux montagnes qui entourent le vide social. Entre les deux, dans la plaine, se trouve ce qu’il appelle le bourbier – le marais dans lequel se débattent des individus désocialisés, dans lequel se développent la violence, la perte d’activité et d’énergie, etc… Toute la question est désormais de « recréer  un système d’irrigation de valeurs » ou de « forces économiques brutes » qui « redonnent de la vie, et réaniment ce qui a été la société ». Il s’agit dès lors d’être capable de dire ce que sont nos « orientations valoratives » (par exemple : ce que doit être l’école) . En bref réanimer le vide social actuel à partir de l’économie d’une part et du sujet humain d’autre part.

 

Il ne considère pas que le sociologue contredit l’économiste (lequel va simplement chercher à réparer la machine en panne), il avance simplement que le sociologue s’appuie sur les profondeurs de l’humain. C’est à partir du plus loin de l’économie, de la capacité de recréer des éléments qui orientent l’action sociale et la vie personnelle , donc à partir d’une nouvelle transformation qu’il faut agir. Pour lui, de la même façon que la société industrielle a succédé à la société politique –laquelle avait succédé à la société religieuse, nous avons besoins d’avoir une vision complètement novatrice – ce qui suppose des arrachements dont nous ne sommes pas toujours capables. Il appelle à mettre l’accent sur ce qui est le plus loin des pratiques ordinaires, sur ce qui est porteur de sens afin de finalement redonner de la vie aux pratiques,aux relations, aux institutions qui forment notre vie personnelle et collective.

 

b) L’empowerment peut d’abord se définir comme un sentiment de réel contrôle sur sa vie ; il s’agit de reconsidérer ici expérience individuelle et activité dans un groupe ou une organisation. D’une intention abstraite, il est possible de passer à un objectif explicite et concret. L'empowerment comporte quatre composantes essentielles : la participation, la compétence, l'estime de soi et la conscience critique (conscience individuelle, collective, sociale et politique). Lorsque ces quatre composantes sont en interaction, un processus d'empowerment est alors enclenché. Ce processus est centré sur les forces, les droits et les compétences des individus et du groupe. Il faut interaction entre la coopération, la synergie, la transparence et la circulation de l'information. Le processus d’empowerment est alors le résultat de la participation à des actions politiques et collectives et suppose la participation active des personnes. Dans une perspective politique, l'empowerment est le résultat qui permet de changer les structures actuelles et les relations de pouvoir entre les diverses instances, les intervenants et les individus. L'expérience a démontré que les programmes qui associent la population à leur gestion ont souvent mieux réussi que d'autres.

 

2) Démocratie participative et conséquences sur la gestion régionale en Poitou-Charentes

Pour le sociologue Yves Sintomer[12], spécialiste de la démocratie participative, la principale innovation du Poitou-Charentes réside dans les moyens humains et financiers mis en œuvre[13] : «Une équipe de plusieurs personnes, convaincues, motivées et sérieuses intellectuellement, ça c’est original ! D’habitude, les politiques convaincus ne sont pas en position de pouvoir et, quand ils le sont, ils relèguent la démocratie participative à la marge de leur action, qui se résume généralement à des conseils de quartier sans grand pouvoir. Ici, c’est au centre de l’administration et il y a une pratique réelle sur l’action locale».

Ségolène Royal notait le 21mai 2010 que « pour vaincre le scepticisme de ceux à qui on ne demande jamais leur avis, de ceux qui ont plus l'habitude de subir que de peser, de ceux qui se méfient d'une demande émanant d'une institution, de ceux qui soupçonnent les politiques d'intentions toujours manipulatrices, il faut un enjeu réel qui justifie l'appel fait aux citoyens et le temps qui leur est demandé. L'enjeu[14], c'est soit un pouvoir de décision direct (comme dans les Budgets Participatifs) soit un vrai pouvoir d'inflexion de la décision publique (comme dans les Jurys Citoyens), ce qui suppose que les propositions retenues (pas forcément toutes) soient vraiment appliquées ».

a) Budgets participatifs lycéens

Le Budget participatif des lycées repose sur «deux principes intangibles de la démocratie participative, détaille Sophie Bouchet-Petersen, conseillère spéciale de Ségolène Royal : «1) S’engager à ce que le conseil régional soit lié par les décisions issues des votes, sinon ces votes n’ont aucun sens. 2) Débloquer un budget conséquent, … pour impliquer les gens et les convaincre que venir débattre a de l’intérêt.». C’est environ 10% du budget lycée de la région qui est délégué aux usagers (élèves, professeurs, personnel). soit un peu plus de 10 millions d’euros[15]. Les lycées font remonter des projets classés par ordre de priorité. Pour Yves Sintomer, il s’agit de la «première expérience digne de ce nom en Europe» … «cette expérience a démontré qu’en y mettant du budget et en réorganisant l’administration en fonction de la démocratie participative, elle peut influer sur le service de la vie lycéenne en profondeur».

 

b) Jurys citoyens

« Les s deux règles intangibles de départ sont[16] le tirage au sort et l’indemnisation de son travail d’expertise citoyenne. Le tirage au sort permet la participation de différentes catégories de citoyens. C’est un point fondamental ; nous avons dit déjà que la « proximité » n’était pas un critère suffisant ; les châtelains ne sont-ils pas souvent « proches » de leurs gens ? En général, ont tendance à l’investissement de proximité ceux qui ont le temps et ne craignent pas de parler en public. Le tirage au sort est réalisé en fonction de quotas (diversité sociale et géographique, parité jeunes/vieux et hommes/femmes), aboutissant à un listing de 500 noms issus des listes téléphoniques. Pour Sophie Bouchet-Petersen, « on est en train d’inventer un service public de la démocratie participative ».

Après avoir accepté de siéger, le juré reçoit de la documentation sur l’action régionale (rédigée par les services de la région) qu’il est chargé d’évaluer, moyennant une indemnité de 150 euros[17] . Parmi les outils mis à disposition : dossier pédagogique et audition d’experts à points de vue contradictoires. Une méthodologie d’animation permet que tout le monde prenne la parole. Le consensus n’est pas obligatoire. Mais les représentants de l’institution ne participent pas aux délibérations.

A titre d’exemple, un Jury citoyen sur les politiques régionales de lutte contre le changement climatique a remis son avis au Conseil régional. « Parmi les évaluations …, les réorientations … et les préconisations … permises : le cap fixé vers «l’autonomie énergétique des petites communes» , la suppression d’un critère d’âge pour les bourses Désirs d’entreprendre ou la mise en place d’une carte famille nombreuse pour les TER. En bref, le processus est enclenché. Pour Sophie Bouchet-Pétersen, «les élus réagissent comme si cela allait affaiblir leur leadership … (mais) les jurys doivent être vus comme un outil de correction permanente de nos politiques.»

 

3) Importance de la mobilisation des classes populaires

Nous avons déjà abordé cette question à propos du tirage au sort mis en place pour les jurys citoyens. Le thème des 6èmes rencontres Europe-Amériques organisées le 21 mai 2010 à la Maison de la région Poitou-Charentes portaient justement sur le thème « Démocratie participative  : Raisons et conditions de la mobilisation », autour de la question « Qui participe ? Qui ne participe pas ? Et pourquoi ? ». Dans son discours d’ouverture, Ségolène Royal revenait sur cette question[18] des conditions à réunir pour tenir la «  promesse d'un égal accès de tous à la parole, à la délibération et à la décision  », afin « qu'un Budget Participatif ou un Jury Citoyen ne reproduisent pas ce « biais sociologique » abondamment décrit par les chercheurs, qui relègue aux marges de l'espace public ceux qui ne s'y sentent pas à leur place et ne possèdent pas les codes habituellement exigés pour y être reconnus ? ». Elle faisait bien le constat d’une carence de la démocratie électorale[19] :Il s’agit, en bref, de parvenir à «  d'une démocratie authentiquement participative et non de ce que, trop souvent, on baptise du même nom : une fade « démocratie de proximité » sans enjeux ou ce que les chercheurs appellent « écoute sélective », simples consultations sans règles du jeu claires, frustrantes, décevantes et lassantes pour ceux qui y prennent part ».


Elle note la décision, lors de la création des budgets participatifs lycéens, de « mobiliser à égalité les lycéens de toutes les filières d'enseignement (générale, technologique, professionnelle, agricole). Y compris l'enseignement adapté qu'on … conseillait (à la région) de laisser de côté parce que ce sont souvent des enfants en grande souffrance et qui se vivent comme en marge du système scolaire ». Nous rappellerons l’extension du dispositif « aux Maisons Familiales et Rurales qui forment des jeunes souvent issus de familles d'agriculteurs, aux ressources généralement modestes » -l’idée étant de « toucher les élèves de tous les milieux et de garantir à tous une même égalité de traitement ».

Pour les Jurys Citoyens, l’objectif est de « garantir la diversité du recrutement et l'égalité devant la parole » et de veiller à « refléter aussi bien que possible la diversité sociale, générationnelle et territoriale de la région ». L'indemnisation de la participation de chacun a sans doute, pour les plus démunis, facilité la décision de participer. Les 3 Jurys réunis en 2008 et 2009 avec, chacun, sa trentaine de participants, présentaient des profils très divers[20]. Une réelle attention a été « portée à cette égalité d'expression (l'animation a été évaluée par les jurés en fin de session). L’objectif restait bien celui d’une participation populaire[21]


C ) La fraternité ou l’ agir ensemble

L’expérience des jurys citoyens n’entend pas opposer démocratie participative et démocratie associative. Selon le candidat d’Europe-Ecologie, Serge Morin, «la mise à l’écart de la sphère associative dans le procédé de consultation constitue une limite inhérente à la démarche. Un point de vue que partage mais nuance Yves Sintomer : «C’est vrai que démocraties associative et participative peuvent entrer en tension, mais il ne faut pas se mentir non plus : la « crise du représentatif » actuelle touche aussi les associations qui sont en partenariat privilégié avec les collectivités locales, qui se sont souvent perdues dans la cooptation clientéliste » Selon lui, «l’intérêt essentiel des jurys citoyens est qu’ils permettent de toucher des gens qui ne seraient pas concernés sinon».

Nous pouvons avancer l’idée d’une nécessaire humanisation de la politique et de la vie sociale. La liberté et l’égalité se trouvent grandies de la référence à la fraternité. La fraternité est ainsi selon Jean Daniel, « un thème camusien »  : « Camus a critiqué très puissamment le capitalisme, la déshumanisation de toute politique à droite comme à gauche. La justice sans la liberté, c'est la dictature ; la liberté sans la justice, c'est la loi du plus fort : il voulait la justice et la liberté ».

Il se trouve que Régis Debray a remercié Ségolène Royal (Assemblée générale désirs d’avenir , 28 mars 2009) pour avoir remis au goût du jour le mot « fraternité » , insistant sur le fait que les trois notions de liberté, d’égalité et de fraternité doivent se pondérer l’une l’autre pour faire « République » ! Il voit trois choses dans toute fraternité vivante  : un refus de l’ordre existant (le combat) ; un projet (le programme) ; et enfin une organisation et un réseau (l’agir ensemble) - sa conclusion étant que Désirs d’avenir a pris de l’avance !!!

Selon Rémi Lefebvre[22], le PS est un parti d’élus ou d’aspirants à l’élection, où le militantisme (…) adopte un fonctionnement autocentré ». C’est ce qu’il appelle « l’entre soi socialiste », un parti replié sur lui- même, et qui n’est pas cette liaison avec la société et les groupes sociaux qu’il est supposé défendre ». C’est précisément ce que Ségolène Royal entend développer : la liaison avec les groupes sociaux et la société ! Rémi Lefebvre avait avancé l’idée [23] que les dirigeants socialistes en pensant la société comme individualiste, contribuent eux-mêmes à la dévaluation de l’idée de classe. Selon lui, en parlant d’individualisation du militantisme, le PS ne fait qu’entériner une réalité à laquelle il participe. La stratégie d’alliance engagée par Ségolène Royal à l’occasion des élections régionales en Poitou-Charentes de mars 2010 passe par un large rassemblement qui dépasse tant le PS que la gauche plurielle des années Jospin. Elle a su réunir auprès d’elle dès le premier tour plusieurs élus sortants écologistes, un ex- communiste, des centristes humanistes ex-Modem, des dirigeants syndicaux s'étant illustrés lors de conflits sociaux ( Heuliez , New Fabris, à Châtellerault). Réunir des syndicalistes ou des militants associatifs suppose le dépassement des clivages traditionnels. A l’image de ce que Europe Ecologie a pu apporter aux Verts alors auto-repliés … Ce que Julien Dray a appelé une « dialectique du rassemblement »[24].

Ségolène Royal a pris acte, par la création de Désirs d’avenir, de cette attente d’engagement collectif que le PS n’assure plus. L’innovation la plus profonde dans cette démarche est de considérer tant le respect de l’individu et de sa parole de citoyen que l’action collective et l’agir ensemble  - toutes choses que le PS a négligées dans son triste accueil fait aux adhérents dits «  à 20 euros » !

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