(FM pour MEAGSR)
Marianne a organisé, lundi 13 septembre à 20h30, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris, une réunion publique sur le thème : "Face à Nicolas Sarkozy, quel front républicain?". Nicolas Domenach et Maurice Szafran, journalistes à Marianne, animaient la réunion. Cécile Duflot (Les Verts), Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP), Jean-François Kahn, Corinne Lepage, Pierre Moscovici (PS), Edwy Plenel (Médiapart), et Benjamin Stora (historien). Manuel Valls (PS) s'était décommandé dans l'après-midi, Ségolène Royal (DA, PS) avait annoncé avoir été retenue, et avait transmis le texte de l'allocution qu'elle avait prévu, mais qui n'a pas été lu par Marianne, et Jean-Luc Mélenchon (Parti de Gauche) n'est pas venu sans qu'aucune précision soit donnée par Marianne.
Maurice Szafran (Marianne)
Nous avons demandé à Edwy d’intervenir ce soir parce que finalement il a été le premier avec nous à partager l’analyse sur la nature du sarkozysme (…) et pour lui demander avec un petit clin d’oeil s’il n’est pas passé d’un combat personnel contre François Mitterrand, l’affaire des écoutes ce soir nous ramène cette affaire sur le devant de la scène, à un combat personnel contre Nicolas Sarkozy ? Il a la parole.
Edwy Plenel
Merci, merci de votre accueil. Avec votre permission, je ne vais pas répondre à la question personnelle, mais je veux bien en discuter. Je voudrais en écho à ce qu’on dit les responsables politiques et à destination de ceux qui ne sont pas venus, essayer de répondre à la question de ce soir en partant justement de cette rencontre entre Marianne et Médiapart. Les histoires sont différentes, il y a eu des polémiques, il y a eu des virulences, et pourtant nous nous sommes retrouvés. Nous ne nous sommes pas retrouvés en nous disant : quel programme ? quel gouvernement ? En l’occurrence pour nous ça voudrait dire : quel journal ? Quelle organisation ? quelle rubrique ? Nous sommes retrouvés dans ce simple réflexe qui est le premier pas pour refuser une servitude volontaire, qui est de simplement dire non. Dire non à ce qui dans nos itinéraires différents nous paraissait une évidente déchéance, d’évidentes infamies, une réelle transgression par rapport à ce que nous avons en commun. Je voudrais prendre ce point de départ parce que, je crois que c’est la réponse à la question.
Une convergence c’est un carrefour, une convergence c’est un mouvement, une convergence c’est une dynamique qui va vous transformer, qui va vous faire bouger. Ce n’est pas une fixité au départ. Alors, il y a déjà un carrefour ici.
Nous sommes là parce qu’une histoire fondamentale est ébranlée, bousculée, chaque jour
Nous savons tous pourquoi nous sommes là. Comme cela a été rappelé, chaque jour nous donne une nouvelle illustration. Nous sommes là parce qu’une histoire fondamentale est ébranlée, bousculée, chaque jour, chaque jour, à tel point que la chronique en est incessante. Je rappelle juste la Déclaration de 1789, article 12 : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. ». (Voir le texte en cliquant ici).
(FM pour MEAGSR)
L’usage discrétionnaire, privatif, partisan, d’une direction du renseignement pour chasser les sources du journaliste ou les rumeurs sur le couple présidentiel est une violation de cet article 12. On pourrait en trouver mille exemples, évidemment sur l’information, évidemment sur la justice, évidemment sur les questions sociales, sur la retraite, évidemment sur l’insécurité car la politique de ce pouvoir n’est pas une politique de sécurité mais d’insécurité, de violence, etc. Nous savons donc pourquoi nous sommes là.
Sarkozy, c’est un peu le ‘Portrait de Dorian Gray’
Alors quel est notre problème et pourquoi on tourne ici ? Pourquoi on se pose toujours cette question, et pourquoi d’une certaine manière, Marianne et Médiapart ont en commun de sonner le tocsin, en ayant le sentiment de lancer une alerte qui n’est pas forcément entendue à temps par vous, les responsables politiques ? Ce pouvoir est fort de nos faiblesses. Il est fort de nos retards. Il est fort de nos divisions. Nos faiblesses, nos retards, nos divisions sont sa force. (Applaudissements) C’est aussi là qu’il survit. C’est comme ça qu’il avance parmi nous. J’ai dit dans un des articles de Médiapart, pour prendre une image littéraire, que Sarkozy, c’est un peu le ‘Portrait de Dorian Gray’, de notre république. Vous savez, cette nouvelle d’Oscar Wilde, un très bon film en a été tiré aussi, où au fond un gentleman victorien, britannique, propre sur lui, qui a l’air tout à fait respectable, se fait faire son portrait, et son portrait, et son portrait au fond, montre toute sa corruption, montre tout ce qui le mine, tout ce qui est moisi, tout ce qui est déplorable, tout ce qui est lamentable en lui. C’est donc une sorte de visage monstrueux qu’il lui montre.
Qu’est-ce que nous révèle la présidence de Nicolas Sarkozy, ce à quoi nous n’avons pas assez prêté attention, que nous ayons été au pouvoir pour la gauche, que nous ayons été aux affaires pour la droite, tout pareil, tout pareil ? Cette rencontre entre un présidentialisme totalement déséquilibré, sans frein, sans contrainte, sans équilibre, sans contrepouvoir, et un capitalisme rapace, totalement libéré, et hélas, aussi bien sous la gauche que sous la droite.
Ce capitalisme rapace, la libéralisation des jeux en ligne est l’exemple même
Ce capitalisme rapace, et Cécile Duflot a eu totalement raison de rappeler ça, parce que ce n’est pas l’Europe hein, le Portugal, et l’Allemagne l’ont refusée, la libéralisation des jeux en ligne est l’exemple même de ce qui se passe dans ce pays. Pourquoi notre pays se désindustrialise ? Parce qu’il a un capitalisme qui, au fond va investir, car ce sont les grandes familles que l’on retrouve, les Bernard Arnault, les grands milliardaires, qui se sont enrichis grâce à l’Etat dans les années 1980, qui se sont précipités dans cette libéralisation, cette privatisation de l’activité, la moins honorable, c’est pour ça qu’on laissait l’Etat la contrôler, celle en général où la Mafia se nourrit avec la prostitution et la drogue. (Applaudissements) On a le droit de parier, mais il n’y a pas activité, et il m’arrive même, comme à vous sans doute, ça vaut moins cher qu’une séance de psychanalyse d’acheter, parfois, un billet de loterie – de loto – mais c’est l’activité la moins productive qui soit. C’est l’activité qui ne produit pas de richesse autre que l’enrichissement de ceux qui s’en occupent.
(FM pour MEAGSR)
Le sarkozysme , sa seule logique c’est l’intérêt et la logique du bouc émissaire
Donc on est dans ce moment-là de la rencontre entre, au fond si on essaye de trouver une cohérence au sarkozysme, qui a cette capacité comme ils disent, la ‘triangulation’ dans les communiquants, d’être sur plusieurs terrains à la fois, en permanence, de déstabiliser ses adversaires. Sa seule logique c’est l’intérêt, intérêt de pouvoir, intérêt d’argent. C’est en effet le fondé de pouvoir d’une logique oligarchique, de confiscation de la République par une oligarchie politique, enrichie du cumul des mandats, enrichie de tout ce qui nécrose notre vie publique depuis des années, et d’une oligarchie économique, qui est une petite minorité qui, au fond, privatise la richesse publique. Et tout ça va avec la logique du bouc émissaire. Car une fois que l’on a nourri, et nous n’arrêtons pas de le montrer, ce diagnostic, ce sont même maintenant des sociologues tout ce qu’il y a de plus modérés, les Pinçon, les Pinçon-Charlot, qui avec Le président des riches, nous font une démonstration au scalpel de ce qu’est cette présidence. Donc nous n’arrêtons pas de le montrer, donc c’est intenable, et si c’est intenable, eh bien il faut une diversion. Et pour que les riches puissent s’enrichir tranquillement, il faut que les pauvres se fassent la guerre, et c’est ce qui s’est passé cet été, c’est ça la logique du bouc émissaire.(Applaudissements)
Attendre avec une logique de propriétaire ne suffit pas pour l’alternance, il faut créer l’altérité
Alors, quel est à mon sens le mauvais calcul ? Que fait une partie de l’opposition et j’ai cru un peu l’entendre dans la bouche de Pierre Moscovici ? C’est penser qu’il suffit d’attendre. Attendre 2012, en s’occupant des alliances, en s’occupant des colloques, du Parti socialiste, en s’occupant du candidat, et laisser faire les journalistes courageux, les magistrats audacieux, les syndicalistes déterminés.(Applaudissements) Attendre. Attendre. Et attendre en pensant qu’ainsi en 2012, dans le discrédit total de ce pouvoir que l’on voit, eh bien la présidence leur arrivera. Eh bien c’est une erreur fondamentale.(Applaudissements) Et c’est ainsi que loin de créer non seulement l’alternative, mais pour créer l’alternative, il faut déjà créer l’altérité, il faut que le public, il faut que les citoyens aient le sentiment de la différence. Où il est le sentiment de la différence, où le jour où il y a un tel sursaut dans le pays, où la séance des questions orales à l’Assemblée, à l’initiative du Parti socialiste, est consacré, très sérieusement, uniquement, aux retraites : nous sommes un parti de gouvernement, nous parlons des retraites, agenda imposé par le pouvoir, désolé. Mais la meilleure réponse sur les retraites, c’est l’emploi d’aujourd’hui. Les pensions de demain, c’est l’emploi d’aujourd’hui. (Applaudissements) C’est créer des emplois pour les jeunes. C’est s’occuper des étudiants. Et comment louper cette séance des questions orales ? En laissant tomber tout ce qui s’est joué : les Roms, les personnes d’origine étrangère, dont vous avez très bien parlé. Je n’ai pas compris. Je n’ai pas compris cette attitude entre le 4 et le 7, qui était l’attitude, pour moi, de propriétaires, qui attendent tranquillement que le balancier leur revienne. (Applaudissements) Eh bien, il ne reviendra pas, si c’est ça, l’alternance. Parce qu’il y a une conviction derrière cette attitude et qui est respectable. C’est au fond de se dire : ce pouvoir, au fond ce n’est que la droite, et comme ce n’est que la droite, nous nous sommes la gauche, et donc nous sommes, par héritage, l’altérité, y aurait-il une éternité de la droite.
C’est au contraire la démonstration inverse que nous assène le sarkozysme, et qui nous rappelle des souvenirs que nous devons assumer, dans la diversité de nos itinéraires et de nos convictions et chacun connaît ici le mien. Que fut l’épreuve de la Seconde Guerre Mondiale, celle qui a été l’effondrement de cette extrêmisation de la droite par une certaine extrême droite, et où on a vu des élites politiques, intellectuelles, économiques, être dans l’abaissement national de la collaboration et de Vichy ? Que fut le sursaut du CNR de mars 1944, du Conseil National de la Résistance, de son programme Les Jours Heureux, des gaullistes aux communistes ? [« Jean Moulin ! » dans la salle] Oui, bien sûr, Jean Moulin, il était mort entre temps, mais, en mars 1944, bien sûr, Jean Moulin. Et quel était le sens de ce sursaut ? C’était dans cette épreuve, avec des gens qui venaient d’autres horizons, de refonder l’espérance républicaine.
(FM pour MEAGSR)
Il y a une citation qu’il faut que tout le monde ait en tête. Parfois, l’information c’est comme la lettre volée d’Edgar Poe, c’est là, et on ne le voit pas. Il y a 3 ans de cela, en octobre 2007, un des responsables du MEDEF et du patronat faisait cette déclaration dans le magazine Challenges, c’est Denis Kessler : « À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux » – celui que mettait en pratique cette présidence – « la liste des réformes, c’est simple. Prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952 sans exception. » Elle est là : « Il s’agit aujourd’hui », ce n’est pas moi qui parle, c’est une citation, « de sortir de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance. ».
Le sarkozysme s’attaque au socle de notre République, qui est commun depuis 1945
à la droite et à la gauche parlementaires
C’est quoi le programme du CNR ? C’est celui qui a transformé et la gauche et la droite autour de deux mots qui sont à ce moment-là rentrés, après un siècle de luttes et de combats, dans notre Constitution ; une République démocratique et sociale. C’est là que s’est passée cette idée qu’il y a avait le droit à avoir des droits, qu’au fond la philosophie des Lumières du droit naturel est vraiment rentrée, contre une idéologie conservatrice de l’inégalité, dans notre Constitution, le droit d’avoir des droits. Charles Maurras, qui était un très grand intellectuel, très brillant, et qui a inspiré non pas l’extrême droite, mais intellectuellement toute la droite de l’entre-deux-guerres, son véritable ennemi, c’était l’égalité, c’est bien pour ça que le Vatican a fini par l’exclure, pourquoi ? Parce que Maurras trouvait que même l’Evangile était un texte révolutionnaire, (Rires) puisqu’au fond, tout le monde peut devenir chrétien. Et donc il y a là un socle commun, un socle commun. Et ce n’est pas affaire idéologique, c’est affaire d’intérêt. De Gaulle le disait très très bien sur ses oligarchies économiques qui ont continué à faire des affaires sous Vichy. Ils ont continué dans leur logique d’intérêt. Ils ont préféré l’intérêt privé, personnel, immédiat, à l’intérêt supérieur, à l’intérêt commun, et ce qui est à la limite humain. Donc, comment nous créons une autre dynamique où nous nous élevons ? Et donc la vraie question aujourd’hui, c’est que le sarkozysme s’attaque logiquement au socle de notre République, et à un socle qui est commun depuis 1945 à la droite et à la gauche parlementaires.
La surprise de cet été : Mgr Vingt-Trois : « À qui faisons-nous payer nos sécurités ? »
Et donc il y a des questions, autrement on ne comprend pas l’itinéraire de l’orateur précédent, Monsieur Dupont-Aignan, on ne comprend pas au-delà de l’histoire Clearstream ce qui se passe avec Dominique de Villepin, on ne comprend pas ce qui se passe dans son électorat, qui est en profondeur choqué, on ne comprend pas ce qui se passe dans le monde chrétien. Car la surprise de cet été, ce n’est pas le NPA qui a créé l’événement, autant que je le sache, ce sont les évêques, avant le Pape, qui n’en est que la conséquence. Entendre Monseigneur Vingt-Trois, en chaire, en chaire, dire, après avoir été témoin de ce qui s’est passé pour les Roms, et qui n’est que l’application de ces circulaires que l’on découvre aujourd’hui, qui sont dignes, oui Pierre Moscovici, du crime de bureau. C’est comme ça que des fonctionnaires ont gouverné (Applaudissements) comme ils avaient vécu, et ont accepté, et ont écrit : « Juif ». Pourquoi ? Pourquoi, qu’est-ce qui s’est passé avec Papon, qu’est-ce qui s’est passé avec Bousquet ? C’étaient des républicains ces hommes-là, ils se voyaient comme des républicains, et pourtant ils ont commis, comme ce préfet directeur du cabinet de Monsieur Hortefeux, ce « crime de bureau ». Eh bien ces évêques, on entend tout d’un coup Monseigneur Vingt-Trois qui dit en chaire : « De quel prix faisons-nous payer nos sécurités ? ». Ou plutôt ajoute-t-il : « À qui faisons-nous payer nos sécurités ? ». Ce sursaut chrétien, qui renvoie au christianisme social, mais qui traverse toute la société, on ne peut pas le balayer. Voilà, avant de conclure, ce que je voulais dire.
(FM pour MEAGSR)
La République, ce n’est pas un héritage dont on serait propriétaire. La République, c’est un mouvement, c’est une dynamique, c’est une construction. C’est cela la responsabilité d’un républicain. Et si l’on pense que c’est une fixité, on se trompe même sur l’histoire de la République.
Les symboles républicains, Vichy les a gardés
Je vais prendre quelques exemples. Si l’on dit que ce sont les symboles, et Marianne est là, son drapeau tricolore, tous les historiens le savent et Benjamin Stora encore mieux que d’autres, les symboles Vichy les a gardés, je suis désolé. Ils ont gardé le drapeau tricolore, ils ont gardé la Marseillaise, ils ont gardé le 14 juillet. Si l’on pense que pour être républicain il suffit de ne pas insulter le drapeau et de savoir chanter les paroles de la Marseillaise, eh bien non. (Applaudissements)
La première dénonciation violente de comment le capitalisme peut détruire les hommes : Lamennais, un prêtre
La laïcité qui nous est chère, et je viens de l’évoquer, bien sûr que la laïcité, et qui crée des débats entre nous, parfois sur quelle vision de la laïcité, mais la laïcité ça a été aussi une machine justement àlaïcisation des croyances. Quel est l’homme qui exhume, bien avant le Manifeste communiste de Marx, le traité [Discours] de la servitude volontaire de [La Boétie], et qui dit : c’est le texte d’aujourd’hui face à ce monde moderne ? Et qui va écrire un livre qui s’appelle : De l’esclavage moderne, première dénonciation violente de comment le capitalisme peut détruire les hommes.Lamennais, un prêtre. Et donc il y a toute une histoire qui est aussi la nôtre.
La Nation n’est pas une identité fermée : la France Libre, 18% de Français de souche
La Nation, de la même manière, ce n’est pas une identité fermée. Je vais prendre un petit exemple que j’ai travaillé pour ce soir : la France Libre. Statistiques du 31 juillet 1943 sur le nombre, d’hommes pour l’essentiel, quelques femmes, engagés dans la France Libre : 54 100 à la date du 31 juillet 1943. Écoutez bien : 66% de soldats coloniaux, 16% de légionnaires, donc des étrangers, 18% – c’est écrit comme cela dans le Dictionnaire de Gaulle – de Français de souche. (Applaudissements) C’est ça la France Libre. Allez sur le site de l’Ordre de la Libération, où vous trouverez le fameux texte de l’évêque Saliège, lu par l’évêque de Toulouse, qui est le seul évêque compagnon de la Libération, qui a fait événement en 1942 en ayant son message sur le sort des juifs. L’Ordre de la Libération, qui est créé tout de suite, en novembre 1940. Il distingue les personnes et les collectivités qui se seront signalées dans l’œuvre de la libération de la France et de son Empire, c’était l’époque, aucun critère d’âge, aucun critère de sexe, de grade, aucun critère d’origine, et même de na-tio-na-li-té.
La droite, ce n’est pas une fixité, ça bouge dans l’épreuve,
comme la gauche doit bouger, aussi, dans l’épreuve
En novembre 1940. De Gaulle, qui 6 ans avant, écrivait pour Pétain. Donc la droite, ce n’est pas une fixité, ça bouge, ça bouge dans l’épreuve, comme la gauche doit bouger, aussi, dans l’épreuve. Voilà ce que je voulais dire ce soir, je pourrais donner d’autres exemples. C’est une lutte, c’est un mouvement, ce sont des combats, la République. 1789-1793, sur les colonies, sur le sort des noirs, sur les femmes, sur les plus pauvres, la République bataille avec elle-même. Sur la colonisation, l’affrontement de Clémenceau et Thiers, un moment historique de l’art oratoire de la République, ils s’affrontent. Sur le droit des femmes, et les mouvements de suffragettes, ces droits des femmes que nous n’avons accordés qu’en 1948. Sur cette démocratie sociale, démocratique et sociale, un siècle pour imposer ces deux mots qui étaient dans les programmes électoraux des républicains de gauche de 1848, Jean-François Kahn connaît par cœur cette période.
Les solutions, la question de qu’est-ce qu’on fait ensemble,
elles s’inventeront dans cette confrontation
Les solutions, la question de comment on gouverne, de qu’est-ce qu’on fait ensemble, elles s’inventeront dans cette confrontation, elles s’inventeront dans ce débat, je préfère cela à cette soit-disante ouverture qui tient du débauchage ou Madame Amara, Monsieur Kouchner, changent de famille politique comme on change de trottoir, (Applaudissements, « Bravo ! ») sans aucune confrontation politique. Je vous dit cela parce que nous en serons juges. Nous en serons juges. C’est à la société de bouger. Et c’est à la société avec laquelle vous devez bouger. Si au fond il y a un point commun du tocsin aujourd’hui, cette opinion est beaucoup plus majoritaire, notamment dans la presse, et dieu sait si nous avons été moqués et vilipendés, du tocsin commun de Marianne et de Médiapart, c’est bien celui-là.
« On s’engage et puis on voit. »
Je conclus en disant, j’ai un ami que Marianne aimait bien et qui a souvent été invité par Marianne, qui est décédé cette année, Daniel Bensaïd, qui disait à propos de l’engagement, et c’est une sorte de pari pascalien : « On s’engage et puis on voit. ». C’est-à-dire qu’on vit d’abord son engagement. Et je voudrais dire que c’est comme ça qu’on transmet l’engagement. Ça a été dit tout à l’heure, le peuple souffre. Une moitié des électeurs ne se sont pas déplacés aux dernières élections.
(FM pour MEAGSR)
Il parie sur cette désaffection, ce pouvoir-là, il parie sur ces divisions. Et pour qu’il y ait une pédagogie, elle ne passe pas dans les appareils ni même dans les simples déclarations à la télé, c’est une pédagogie active, humaine, sensible qui permettra de mobiliser les gens. Il faut donner du courage aux gens. Et si ceux qui sont élus ne sont pas les premiers à se dresser, à appeler un chat un chat, à dire l’ignominie, et à ne pas avoir de précaution sous prétexte que l’on gouvernera dans deux ans ou dans trois ans, eh bien, comment auraient-ils du courage ?
L’homme a des droits : la notion de résistance
Notre Constitution – ce sera mon dernier mot – depuis 1789, article 2 [de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 annexée, NdlR, voir le texte en cliquant ici] , prévoit quelque chose qui est souvent mal compris : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. ». Oui, l’homme a des droits, et les oligarches voudraient que nous ne les ayons pas, naturellement. « Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et », et vous connaissez l’art oratoire, en général [ce qu’] on met en dernier, « et la résistance à l’oppression. ».Alors vous me direz : « Résistance, quel mot terrible, entre temps il y a eu la Résistance avec un grand ‘R’, ah ces comparaisons historiques, 1789, 1940, la résistance. ». Désolé, Condorcet qui n’était pas le plus radical, mais le plus déterminé peut-être, des républicains de 1789, a définit dans un texte de 1793, cette notion de résistance :
« Il y a oppression lorsqu’une loi viole les droits naturels, civils et politiques qu’elle doit garantir. Il y a oppression lorsque la loi est violée par les fonctionnaires publics dans son application à des faits individuels. Il y a oppression lorsque des actes arbitraires violent les droits des citoyens contre l’expression de la loi. ». (Voir texte entier ici, article 32 de le Déclaration)
Ce sont des mots d’il y a deux siècles, mais ce sont les mots de notre situation. C’est ce que vous dites quand vous parlez du projet des retraites, c’est ce que l’on dit quand on parle des Roms, etc.
Le député Baudin, qui meurt pour des idées, pour un idéal, pas pour des intérêts
Médiapart est installée pas très loin d’ici, derrière la Bastille, pas très loin de l’ancien siège de Marianne, non loin du carrefour de la rue Crozatier et de la rue du Faubourg Saint-Antoine. À cet endroit, hélas, il n’y a plus de statue, on a demandé à la Mairie de Paris de bien vouloir considérer l’idée de remettre cette statue, il y avait une statue jusqu’en 1942, Vichy et les nazis l’ont fondue, qui témoignait de ce qui s’est passé là le 3 décembre 1851.
Alphonse Baudin sur la barricade, Mort du représentant Baudin de Pichio
Le 3 décembre 1851, le témoignage en a été donné par Schoelcher, puis ensuite repris par Victor Hugo, un homme était sur une barricade. C’était déjà perdu, c’était ce coup d’état césariste, bonapartiste, les oligarchies, les intérêts, etc. Cet homme était un député, un député parmi d’autres, un peu anonyme, le député Alphonse Baudin. Il avait 40 ans, il siégeait à gauche de l’Assemblée. Les ouvriers avaient perdu confiance dans leurs élus, ils étaient là, les bras croisés, ils n’allaient pas mourir pour eux, et ils moquaient ces élus qui avaient – et c’était beaucoup à l’époque – 25 francs d’indemnités par jour. Alors, ils le moquaient, Baudin . Baudin, il est monté sur la barricade, et il a dit : « Vous allez voir comment on meurt pour 25 francs par jour. ». Cette seule phrase et sa mort immédiate l’ont rendu célèbre. Et ce que je voudrais vous dire, c’est que, comment s’est fait le réveil républicain sous le Second Empire ? Par un journal, Le Réveil, lancé par Charles Delescluze, qui va mourir sur les barricades de la Commune, et qui a eu comme première initiative le genre d’appel que font Marianneou Médiapart, un appel pour le monument à Baudin, le souvenir de cet homme qui n’avait pas de programme, qui n’avait pas de gouvernement, mais qui a fait ce simple « Non ! », ce sacrifice, et qui meurt pour des idées, pour un idéal, pas pour des intérêts. Et le monument à Baudin, la pétition pour le monument à Baudin, a été le premier moment où le fil républicain est revenu.
Statue d'Alphonse Baudin avant qu'elle soit fondue en 1942
Alors nous ne voulons pas mourir, du moins pas maintenant, mais si nous voulons vivre dignement, honnêtement, pas dans cet abaissement d’une présidence qui nous tire vers le bas, alors que le pays a une vitalité profonde, alors que le pays a un dynamisme profond, alors que le pays a une ouverture profonde, une générosité profonde, si nous ne voulons pas être tirés vers le bas dans la dépression par cette présidence, alors il faut faire vivre tous ensemble cet idéal au-delà de nos étiquettes et de nos sectarismes. Merci. (30 secondes d’applaudissements, « Ouaaaais ! »)