« Pas un seul, pas un seul paysan hier ne m’a parlé de cette affaire, pas un seul. », a martelé Ségolène Royal – qui rencontrait hier les agriculteurs à Aslonnes, dans la Vienne – sur le plateau de Bourdin 2012 sur BFM TV et RMC ce matin. Jean-Jacques Bourdin recevait donc Ségolène Royal et l’interrogeait sur « l’affaire DSK ». Et la candidate aux primaires d’ajouter, dans cette première partie de l’émission : « Moi j’attends la vérité, dans le respect d’ailleurs de la victime présumée, et puis vraiment que l’on passe à autre chose. ».
Ségolène Royal a noté que la protection de la victime présumée était assurée par la police, qui la relogeait aussi, elle a souligné : « Il y a une réforme considérable à faire en France, en regardant ce qui se passe dans la justice américaine, sur la protection des victimes quelles qu’elles soient. »
Interrogée par Bourdin pour savoir si on devait « mettre les primaires entre parenthèses », comme venait de la dire Manuel Valls, Ségolène Royal a répondu : « Mais non ! Bien évidemment, il faut continuer à avancer. », puis a complété son propos : « Il faut avancer sereinement, et surtout passer, vraiment, je le répète, passer vraiment au débat d’idées, à la confrontation des idées, à la comparaison des priorités. », et a développé et illustré cette idée, pour finalement conclure cette première partie en disant :
« Je pense que c’est absolument nécessaire de changer de politique parce que globalement, la France est en train de décliner, et ça on ne peut pas l’accepter avec le potentiel, en plus, que nous avons. »
Frédérick Moulin
Retranscrit par Militants de l’Espoir À Gauche avec Ségolène Royal/ F.M.
Jean-Jacques Bourdin : Ségolène Royal est avec nous ce matin. Chais pas, on a changé de jingle, j’ai pas… bon. Bonjour Ségolène Royal.
Ségolène Royal : bonjour.
Jean-Jacques Bourdin : merci d’être avec nous, vous êtes, euh, vous étiez en direct… nous sommes en direct avec la justice américaine en ce moment, hein, avec cette affaire Dominique Strauss-Kahn. Vous avez regardé hier soir ? Ce nouveau moment de justice, vous avez regardé ?
Ségolène Royal : oui, une partie.
Jean-Jacques Bourdin : une partie ?
Ségolène Royal : oui.
Jean-Jacques Bourdin : et que pensiez-vous en regardant ? À quoi avez-vous pensé en regardant ?
Ségolène Royal : je pense surtout qu’il faudrait maintenant passer à autre chose. On ne va pas occulter toute la vie politique française, les problèmes qui se posent à la France, les difficultés que vivent les Français en vivant ce feuilleton de la justice américaine, jour après jour, sur la totalité de l’information. Je crois que maintenant les choses sont dites, il y a une étape supplémentaire, qu’on laisse tranquille les protagonistes de cette affaire, et que la vérité, maintenant, soit attendue avec sérénité.
Jean-Jacques Bourdin : c’est-à-dire, qu’on laisse tranquille ? C’est-à-dire que euh… euh… euh… qu’est-ce que vous voulez dire ? Non mais je…
Ségolène Royal : mais vous ne trouvez pas, maintenant, qu’on tombe vraiment dans une sorte…
Jean-Jacques Bourdin, lui coupant la parole : y’a des excès, vous trouvez qu’on est dans l’excès, là ? Franchement ?
Ségolène Royal : écoutez, moi je reviens là, pour répondre à votre invitation, de ma Région. J’étais hier en réunion avec les éleveurs qui souffrent terriblement, certains sont en train de mourir économiquement, et même sans doute parfois pire pour eux…
Jean-Jacques Bourdin, l’interrompant : à cause de la sécheresse.
Ségolène Royal : … à cause de la sécheresse qui s’accumule avec une crise du prix du lait il y a quelques mois, donc voilà tout un pan d’une profession qui est en train de disparaître, d’agoni[se]r, dont plus personne ne s’occupe, alors qu’il y a des solutions à mettre en place, comme par exemple la réquisition des céréales qui, aujourd’hui, sont exportées parce qu’il y a une spéculation sur le prix, on pourrait réquisitionner ces céréales pour permettre aux éleveurs de nourrir leur troupeau.
Il faudrait bloquer tout de suite le prix de la paille et le prix des fourrages parce qu’il y a une spéculation, donc qui aggrave la crise dans nos campagnes. Donc c’est une identité de la France qui est en train de s’écrouler, et le gouvernement ne bouge pas.
Et comme il n’y a plus de rapport d’opinion, à cause de l’affaire dont vous parlez qui occulte la totalité de l’actualité, je pense que ça devient grave pour la démocratie, pour l’efficacité de la politique
Jean-Jacques Bourdin : on va revenir sur la sécheresse, effectivement, sur ces propositions, et sur ce que vous, vous demandez au…
Ségolène Royal, lui coupant la parole : et il y a bien d’autres problèmes, hein, le creusement des inégalités en France, le chômage, la précarité, les bas salaires, les retraites trop basses, etc.
Jean-Jacques Bourdin, pendant qu’elle parle : oui, oui, non, non, mais je, je…mais je suis bien d’accord avec vous… mais on vous en parle ! Oui mis Ségolène Royal, on vous en parle, non ?
Ségolène Royal : non, eh bien justement.
Jean-Jacques Bourdin : on vous a pas parlé de l’affaire Strauss-Kahn ? À aucun moment ?
Ségolène Royal : mais il n’y a pas eu… pas un seul, pas un seul paysan hier ne m’a parlé de cette affaire, pas un seul.
Jean-Jacques Bourdin : oui, ils sont préoccupés, oui, par autre chose.
Ségolène Royal : mais faites… faites… il faut faire attention parce qu’il peut y avoir même une exaspération de l’opinion qui se dit finalement qu’il y a un décalage, un fossé, qui est en train de se creuser entre un système médiatique, je le comprends, hein, qui est fasciné par cette histoire quand même incroyable…
Jean-Jacques Bourdin, lui coupant la parole : ça vous fascine pas ? Elle ne vous fascine pas cette histoire ?
Ségolène Royal : non, elle m’attriste profondément. Non, ça ne me fascine absolument pas, c’est-à-dire, moi j’attends la vérité, dans le respect d’ailleurs de la victime présumée, et puis vraiment que l’on passe à autre chose, parce qu’on a besoin que les médias en Fran…
Jean-Jacques Bourdin, lui coupant la parole : vous pensez qu’on a oublié de parler de la victime - présumée ? Justement ? Qu’on n’en parle pas suffisamment ou pas ?
Ségolène Royal : non, absolument pas, je pense qu’on n…
Jean-Jacques Bourdin, sans marquer de pause après ses précédentes questions : … parce que certains le disent, Marine Le Pen hier nous disait : « Mais on ne parle pas de la victime présumée ! » ; elle était très sévère avec Dominique Strauss-Kahn d’ailleurs, et avec les médias, et a…
Ségolène Royal : "Il y a d’ailleurs un système qui est exceptionnel dans la justice américaine, et qu’on devrait bien mettre en place en France, c’est le droit à la protection des victimes"
Ségolène Royal : ce n’est pas exact. C’est vrai que dans les premières heures avant d’avoir le rapport de police, forcément, on est tellement effaré de ce qui se passe qu’on ne peut pas ne pas être touché par la chute d’un homme qui avait toutes ces responsabilités, en plus. Mais au contraire, je crois que la victime, tout le monde y a pensé, il y a d’ailleurs un système qui est exceptionnel dans la justice américaine, et qu’on devrait bien mettre en place en France, c’est le droit à la protection des victimes, vous avez vu que cette femme, fort modeste d’ailleurs, est protégée…
Jean-Jacques Bourdin, sans que Ségolène Royal s’interrompe : on n’a pas vu son visage.
Ségolène Royal : … est protégée par la police, a été relogée par la police, est sortie de son quartier pour qu’elle ne subisse pas non plus des pressions directes, qu’on ne puisse pas venir la voir à domicile, etc. Cela n’existe pas en France, malheureusement, ce qui fait que seulement 10% des femmes victimes de violences sexuelles osent porter plainte.
Ségolène Royal : "Pourquoi ? Parce qu’elles retournent dans leur quartier, donc elles subissent parfois des mesures de punition, de rétorsion ; si elles retournent dans leur entreprise et qu’elles ont porté plainte contre un supérieur hiérarchique, elles ont peur de perdre leur emploi..."
Pourquoi ? Parce qu’elles retournent dans leur quartier, donc elles subissent parfois des mesures de punition, de rétorsion ; si elles retournent dans leur entreprise et qu’elles ont porté plainte contre un supérieur hiérarchique, elles ont peur de perdre leur emploi ; donc il y a une réforme considérable à faire en France, en regardant ce qui se passe dans la justice américaine, sur la protection des victimes quelles qu’elles soient. C’est vrai pour les victimes qui prennent des coups et des blessures, qui retournent dans leur quartier, elles peuvent en effet subir des mesures de rétorsion.
Donc je crois que cet enseignement sur la protection des victimes, et des victimes modestes en particulier, est vraiment quelque chose qui mériterait d’être appliqué en France.
Jean-Jacques Bourdin : hmm hmm. Bien. C’est vrai qu’à l’occasion de cette affaire Strauss-Kahn, on a beaucoup parlé vie privée, vie publique, faut-il tout dire, ne faut-il pas tout dire, quel est le rôle des journalistes, on va en parler, Ségolène Royal, et évidemment, on parlera aussi du Part socialiste, évidemment, et des conséquences politiques, avec, tiens, bah j’vais vous poser la question tout de suite, ce matin, j’avais Manuel Valls, qui nous disait, il était en direct sur RMC, qui nous disait : « Il faut mettre les primaires entre parenthèses. », les primaires du PS. Vous pensez qu’il faut mettre les primaires entre parenthèse ?
Ségolène Royal : je pense surtout qu’il faut maintenant remettre les choses en place, en ordre, éviter toute décision prise sous le coup de l’émotion. La politique, c’est de la maîtrise de soi, de la maîtrise des procédures, de la parole tenue, et de la volonté d’avancer.
Jean-Jacques Bourdin : donc on n’y change rien ?
Ségolène Royal : mais non ! Bien évidemment, il faut continuer à avancer, les choses sont mises en place, un calendrier est précisé, des engagements ont été pris envers les Français sur l’organisation de ces primaires, les dépôts de candidature doivent avoir lieu à la fin du mois prochain, donc que chacun reprenne ses esprits, et que nous organisons les choses comme nous nous y sommes engagés, comme d’ailleurs ça a été voté par les militants socialistes.
Vous savez, la démocratie, c’est le respect des règles. Là, il y a des règles, il n’y a aucune raison de remettre en cause ces règles, il faut avancer sereinement, et surtout passer, vraiment, je le répète, passer vraiment au débat d’idées, à la confrontation des idées, à la comparaison des priorités, à l’imagination de la gouvernance de ce que sera la France demain, aux solutions qui vont permettre à la France de sortir de l’ornière dans laquelle elle est aujourd’hui, à la façon dont nous allons réduire les inégalités qui n’ont jamais été aussi fortes en France aujourd’hui qu’au cours de toute l’histoire de notre pays, à la crise économique, au chômage, à la précarité, à la baisse du pouvoir d’achat.
J’ai proposé par exemple que l’on bloque le prix de 50 produits de première nécessité, que l’on bloque le prix de l’énergie, que l’on baisse les taxes sur l’essence et sur le gasoil pour que le prix de l’énergie baisse, donc voilà des solutions, d’abord, que le gouvernement devrait mettre en place, et qu’en tout cas nous mettrons en place si nous arrivons aux responsabilités, et je pense que c’est absolument nécessaire de changer de politique parce que globalement, la France est en train de décliner, et ça on ne peut pas l’accepter avec le potentiel, en plus, que nous avons.
Jean-Jacques Bourdin : bien. Ségolène Royal, vous êtes notre invitée ce matin, nous vous retrouvons dans 2 minutes, il est 8h43 sur BFM TV et sur RMC. À tout de suite.