Ségolène Royal était hier matin l’invitée politique de Christophe Barbier sur LCI. Elle a d’abord dit « un mot de solidarité pour tous ceux qui ont été bloqués de façon dramatique » par la neige avant-hier, et a appelé à plus d’anticipation de la part des services publics, comme « dans les pays du nord de l’Europe », « organisés pour cela ».
À la question de Christophe Barbier sur le déplacement simultané en banlieue de Martine Aubry et d’elle-même, elle a répondu mobilisation des socialistes sur le terrain, et appelé les socialistes à « se mettre en mouvement ». Elle est alors revenue sur sa visite à Cergy avant-hier à de jeunes entrepreneurs de la banlieue.
Puis l’ex-candidate à la présidentielle de 2007 s’est exprimée sur le tempo et la durée des primaires et de la campagne présidentielle, appelant à ce que « la campagne des primaires ne dure pas plus longtemps que la mère des batailles, qui est la campagne présidentielle », et appelant au bon sens de tous pour « la réunion du mois de janvier ».
Enfin, interrogée sur le dîner républicain organisé par Jean-Louis Borloo, elle a appelé à « s’élargir vers les centristes humanistes » pour refermer la parenthèse Sarkozy, sur la base de « valeurs communes qui nous permettent de faire convergence ».
Christophe Barbier : Ségolène Royal, bonjour !
Ségolène Royal : bonjour.
Christophe Barbier : la neige tombe, ce n’est la faute de personne. « Il n’y a pas de pagaille. », dit le ministre de l’Intérieur. C’est ce que vous avez constaté ?
Dessin de Plantu
Ségolène Royal : pas exactement. D’ailleurs je voudrais d’abord dire un mot de solidarité pour tous ceux qui ont été bloqués de façon dramatique sur les routes, la nuit. Je crois que beaucoup de Français galèrent en ce moment, et c’est vrai que la parole du ministre de l’Intérieur est un peu malheureuse, je ne voudrais pas l’accabler outre mesure.
Je pense qu’il faut davantage anticiper, c’est le rôle des services publics, c’est le rôle de l’Etat. Nous avons des ingénieurs à la météorologie nationale qui ont beaucoup de talent. Donc vraiment il faut une société qui anticipe davantage, et puis peut-être une société qui s’organise mieux en fonction de ces perturbations climatiques de plus en plus importantes.
On voit dans les pays du nord de l’Europe, dans les pays de grand froid, des populations qui sont organisées pour cela, qui savent anticiper, qui savent se couvrir, qui savent recourir aussi au chauffage alternatif. Donc il faut peut-être repenser une solidarité au sein des sociétés qui subissent très durement ces variations climatiques.
Christophe Barbier : alors hier, malgré la neige, Martine Aubry et vous-même étiez en banlieue parisienne, mais chacune de votre côté. Alors est-ce que c’est un couac, est-ce que c’est la bataille qui reprend comme le dit Le Figaro ce matin ?
Ségolène Royal : heureusement que les socialistes sont sur le terrain. C’est le contraire qui serait tout à fait anormal. Nous étions déjà ensemble, tous les socialistes, dans la mobilisation sociale contre la réforme injuste et brutale des retraites, et il faut bien savoir, en tout cas c’est ma conviction profonde, qu’un projet politique se construit avec les Français, et non pas contre eux, ou non pas sans eux.
Christophe Barbier : mais il se construit entre socialistes. Est-ce que vous vous parlez avec Martine Aubry, est-ce qu’il y a de la coordination, est-ce qu’elle vous a appelée après votre candidature ?
Ségolène Royal : mais bien sûr, bien sûr que les socialistes se parlent. En tout cas, écoutez, ceux qui rêvent d’une division des socialistes en seront pour leurs frais. Pourquoi ? Parce que nous avons maintenant une procédure qui est programmée, il va y avoir des primaires, et ensuite tout le monde se rassemblera autour de celui ou de celle qui sera désigné(e). Et en attendant, les socialistes doivent bouger, doivent se mettre en mouvement.
Hier par exemple à Cergy, j’ai rencontré un groupe de jeunes entrepreneurs de la banlieue, pour pouvoir quoi faire ? Pour pouvoir montrer que la banlieue, c’est pas seulement des choses qui ne vont pas, ce sont aussi des choses qui vont bien, et j’entends faire ce tour de France pour montrer les Français qui se battent, qui se bougent malgré la crise économique, mais qui rencontrent des problèmes.
Un seul exemple : l’un de ces jeunes chefs d’entreprise de cité me disait qu’il avait fait 45 guichets de banque, vous m’entendez, 45 guichets de banque pour avoir le droit d’ouvrir un compte bancaire, sans même demander un emprunt, le droit d’ouvrir un compte bancaire alors qu’il créait une entreprise.
Un autre me disait qu’alors qu’il n’avait eu aucun déficit bancaire, que les tarifications bancaires pour tous les services bancaires lui avaient coûté au cours de l’année 5 000 euros, donc ça avait absorbé la totalité de son bénéfice de la première année. Est-ce que c’est normal ? Non.
Nous sommes dans un pays où les jeunes sont dans la situation la plus difficile possible, et moi je veux que le pays noue un pacte de confiance avec les jeunes, ceux qui créent leur entreprise pour qu’ils soient aidés, les entreprises pour qu’on conditionne les aides économiques aux entreprises à l’obligation de tendre la main aux jeunes, soit pour un emploi, soit pour une formation en alternance, soit pour un apprentissage. J’ai mis en place par exemple le service civique pour 500 jeunes, et ça marche, avec Martin Hirsch. Donc vous voyez que la mobilisation, elle est là, et c’est pour ça que nous sommes sur le terrain, pour voir ce qui marche, Monsieur Barbier.
Christophe Barbier : vous êtes sur le terrain, vous avez des idées, 62% des Français selon l’institut LH2 disent : « Choisissez votre candidat avant l’été ! ». Est-ce que c’est encore votre avis, est-ce que vous espérez que le parti va accélérer son processus ?
Ségolène Royal : je pense qu’il faut faire preuve de bon sens dans ce domaine. C’est quoi le bon sens ? C’est de faire en sorte que la campagne des primaires ne dure pas plus longtemps que la mère des batailles, qui est la campagne présidentielle. Qu’est-ce que c’est que la campagne présidentielle ? C’est le moment majeur où les Français vont pouvoir choisir le modèle de société qu’ils veulent, leur avenir commun, et moi je crois que la campagne présidentielle, et c’est la raison pour laquelle j’ai été candidate, ça sera aussi le moment de refermer la parenthèse Sarkozy, et de rendre aux Français ce qui leur a été pris.
En 5 ans, presque 5 ans maintenant, tout a été pris aux Français : leur système de Sécurité sociale, leurs valeurs morales, la place de la France dans le monde, la dignité de la vie politique, tout a été pris aux Français. Donc, moi ce que je veux, dans cette campagne présidentielle, c’est que nous arrivions à convaincre les Français que nous allons leur rendre ce qui leur a été pris, premièrement, et deuxièmement que nous réconciliions les Français avec eux-mêmes, avec leur pays, et la France avec son histoire.
Christophe Barbier : donc une primaire courte et rapide pour après une grande campagne présidentielle ?
Ségolène Royal : oui, une primaire qui prend le temps de la primaire puisque tout le monde est d’accord pour que le dépôt de candidature se fasse en juin. Pourquoi faire 4 mois de campagne ? La question est là. Donc j’espère qu’à la réunion du mois de janvier, tout le monde fera preuve de bon sens, que nous puissions regarder tranquillement ces choses, que ça ne soit pas un sujet de polémique ou de division mais qu’on comprenne bien qu’il est, je le répète, anormal d’avoir une campagne interne, avec la machine à perdre que cela suppose, plus longue que la campagne présidentielle. Et ensuite que personne ne s’inquiète. Que personne, ne s’inquiète.
Christophe Barbier : vous serez rassemblés ?
Ségolène Royal : on sera rassemblés. Pourquoi ? Quel est notre modèle ? C’est finalement ce qui s’est passé aux Etats-Unis…
Christophe Barbier : Obama-Hillary Clinton
Ségolène Royal : Obama-Hillary Clinton. Il y a eu une compétition, assez âpre parfois, mais ensuite un choix clair, et ensuite tout le monde a fait bloc, contrairement à ce qui s’est passé en 2007, tout le monde a fait bloc autour du candidat ou de la candidate désigné(e).
Christophe Barbier : avec un ticket Obama-Hillary puisqu’elle est dans son équipe. Est-ce que Dominique Strauss-Kahn a répondu votre invitation à venir sur le ticket avec vous ?
Ségolène Royal : mais vous savez j’ai des conversations importantes avec Dominique, qui n’ont pas…
Christophe Barbier : il vous a dit oui alors ?
Ségolène Royal : …non, mais qui n’ont pas, par respect pour lui, à être mises sur la place publique. Mais il est évident que sa compétence, son savoir-faire, qui est révélé d’ailleurs par les Français aujourd’hui – pourquoi ? – parce que nous subissons une crise financière mondiale très lourde, très forte, terrible, menaçante, et donc toutes les compétences seront utiles au redressement de la France. À lui ensuite de voir sous quelle forme il peut revenir dans la politique nationale, et c’est la raison pour laquelle j’ai ouvert jusqu’au moment où il l’estimera utile, jusqu’au mois de juin, et que j’ai dit, en fonction de la décision qu’il prendra, moi je me remettrai dans un dispositif gagnant.
Christophe Barbier : pourriez-vous aller, ce soir, au dîner républicain de Jean-Louis Borloo, il y a des gens de gauche, il y a Arnaud Montebourg, pour parler laïcité notamment ?
Ségolène Royal : c’est évident, et je l’ai toujours dit, qu’il y a des valeurs communes qui nous permettent de faire convergence avec une partie des centristes. J’ai parfois été brocardée, hein, sur cette façon de faire une vaste alliance de la gauche radicale aux centristes humanistes, mais la question de la laïcité, c’est bien sûr des choses qui sont convergentes, et je pense que pour mettre fin à la parenthèse de la droite qui fait si durement souffrir le pays, il est évident qu’il faudra rassembler, d’abord les socialistes, vous l’avez dit, ensuite la gauche, avec les écologistes, et ensuite bien évidemment, s’élargir vers les centristes humanistes qui pensent qu’il faut remettre les valeurs humaines au cœur de toutes les décisions politiques. Je l’ai fait, vous savez, dans la région, on m’a critiquée, on m’a dit que j’allais perdre les élections à cause de cela. Pas du tout, je crois que ça crée une dynamique politique. Les gens ont envie que nous dépassions les clivages politiques pour répondre à leurs vrais problèmes.
Christophe Barbier : Ségolène Royal, merci, bonne journée.