Ségolène Royal et Jutta Urpilainen, la présidente du SDP, à une conférence de presse lundi matin (Uutispäivä Demari)
Chers amis,
À l'invitation des socialistes finlandais, une série de rencontres vont me permettre d'approfondir les raisons du succès du modèle finlandais qui peut être utile aux Français.
Dès mon arrivée, je rencontre la Présidente de la République de Finlande, Tarja Halonen, élue en 2000, puis réélue brillamment en 2006. C'est une femme qui s'est distinguée par son engagement courageux pour un modèle de société qui intègre toutes les différences.
La journée de lundi sera consacrée à l'éducation avec plusieurs réunions de travail, et la visite d'une école élémentaire d'Helsinki. J'aurai ainsi l'occasion de mieux comprendre ce modèle finlandais d'une école réussie, égale pour tous et attentive à chacun, et aujourd'hui reconnue comme l'un des meilleures au monde.
La seconde journée sera consacrée à l'étude de l'efficacité économique de la Finlande. Comme vous le savez, la Finlande est en effet l'un des pays au monde où le taux de chômage est le plus bas, notamment celui des seniors. Je m'entretiendrai ensuite avec Mikko Mäenpää, le président de la confédération syndicale STTK (confédération des employés). Nous échangerons sur l’emploi et le dialogue social entre les syndicats, le patronat et le gouvernement. La Finlande est avec le Danemark et la Suède, l'un des pays au plus fort taux d'emploi et reste la championne de l'emploi des seniors et des femmes. Ces résultats ont été obtenus grâce aux efforts d'anticipation, aux moyens mobilisés en faveur de l'innovation, et à une planification pragmatique et négociée avec les partenaires sociaux. Un triptyque aux effets vertueux, qui lie solidement volontarisme industriel, compétitivité et démocratie sociale, aux antipodes des méthodes brutales et à courte vue du gouvernement français. Des visites d'entreprises permettront de compléter les entretiens sur ce sujet.
J'échangerai également à l’Institut Finlandais de la Santé au Travail avec des responsables finlandais et des chercheurs sur les éléments qui permettent de favoriser l’emploi des seniors et garantir le système de retraites finlandais.
Je suis conviée par le Parti Social Démocrate Finlandais et sa Présidente, Jutta Urpilainen, à participer au lancement de la campagne des législatives notamment autour des thèmes de l'éducation, de la justice sociale, de l'Etat providence. Enfin mes amis sociaux démocrates m'ont demandé de livrer ma vision de la crise de l'Europe, ce que je ferai mardi en m'inspirant de mon intervention lors de l'Université Populaire Participative sur l'Euro, organisée par Désirs d'avenir avec Susan George, Jacques Attali et Philippe Aghion le 24 janvier dernier. Comme vous le savez, j'ai toujours pensé que la politique devait s'appuyer sur des exemples qui ont fait leur preuve.
J'ai tiré de l'expérience des mes voyages d'études en Suède et au Danemark, la compréhension des raisons de leur efficacité économique, que ce soit sur la qualité du dialogue social en Suède ou de la sécurité professionnelle au Danemark.
Ce voyage d'études en Finlande complète la vision globale du modèle éducatif, économique et social d'Europe du Nord qui peut être utile dans le projet pour les Français.
Amicalement
Ségolène Royal
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Dimanche 6 février 2011 au soir
Invitée par le Parti social-démocrate pour soutenir ses candidats aux législatives, je suis arrivée aujourd’hui en Finlande.
La présidente Tarja Halonen lance une campagne contre la solitude urbaine le 6 février 2011 (MTV3)
Au cours d’un dîner, Tarja Halonen, Présidente de la République, m’a expliqué que le débat de la campagne pour les prochaines élections porte essentiellement sur la question de l’Etat providence : le Parti social-démocrate défend le modèle qui permet à l’Etat finlandais d’avoir un service public de l’Education parmi les plus performants du monde. Parce que l’Etat providence demeure très populaire, la droite ne peut l’attaquer frontalement. Elle propose donc, sous couvert de le rendre plus efficace, d’introduire la notion de services publics à but lucratif…
Le deuxième sujet de clivage entre la gauche et la droite concerne le problème des écarts de revenus grandissants qui se pose aussi à la Finlande. Tarja Halonen développe une argumentation très simple et juste qui vaut également pour la France : plus il y a d’écarts de revenus, plus il y a d’injustices dans l’accès à la santé et l’Education.
Lundi 7 février 2011 dans l’après-midi
Après un dîner hier soir avec la Présidente de République, Tarja Halonen, dans un climat très studieux et fraternel, j’ai rencontré ce matin la Présidente du Parti social-démocrate, Jutta Urpilainen, et nous avons ensemble répondu aux interrogations de la presse finlandaise, concernant notamment la montée des populismes en Europe. J’ai rappelé à cette occasion que le seul moyen d’enrayer le populisme est de tenir les promesses faites lors des campagnes électorales.
Nos amis sociaux-démocrates finlandais axeront leur campagne sur le maintien et le renforcement de l’Etat providence, en le modernisant, alors que les conservateurs actuellement au pouvoir sont en train de l’affaiblir et de détricoter peu à peu ce qui fait la réussite du modèle finlandais depuis tant d’années : un pragmatisme au service de la solidarité et de la justice sociale, au travers de services publics forts, et particulièrement l’Education.
Tuula Haatainen devant le musée Guggenheim de Bilbao fin janvier 2011 : la ville d'Helsinki, dont elle est l'adjointe au maire chargée de l'Education et de la Culture, projette de se doter d'un musée Guggenheim (MTV3)
Je me suis d’ailleurs ensuite rendue dans une école primaire d’un quartier populaire d’Helsinki, en compagnie de Tuula Haatainen, ancienne ministre de l’Education et actuelle adjointe au maire d’Helsinki [chargée de l’Education et de la Culture, NdlR]. Au cours d’une réunion de travail, les professeurs et la direction de l’école nous ont présenté les caractéristiques du système scolaire finlandais qui en font l’un des meilleurs du monde.
Je dirais que tout tient dans cette définition donnée par les éducateurs eux-mêmes « l’enseignement dans un environnement positif et sécurisé où chaque élève est considéré et respecté ».
En Finlande, pas de notes jusqu’à l’âge de 15 ans. Les élèves qui entrent dans la vie scolaire à l’âge de 7 ans (après les années de maternelles) sont évalués régulièrement par leurs professeurs, d’abord oralement, ensuite par écrit, mais sans que cela donne lieu à classement. C’est en réalité la classe et les professeurs qui s’adaptent à chaque élève et non l’inverse. Les programmes sont définis nationalement mais leur mise en œuvre et l’organisation sont soumises à libre appréciation et à la responsabilité des équipes.
Les classes comptent en moyenne 18 élèves et pour les enfants issus de l’immigration, des classes spéciales leur permettent pendant un an d’apprendre le finlandais avant de rejoindre le cursus normal.
Le taux de réussite scolaire est très important. 75% des élèves accèdent à l’enseignement supérieur. Et une année transitoire est offerte à ceux qui ne sont pas encore au niveau.
C’est l’une des raisons principale de la compétitivité de l’économie finlandaise.
L’autre raison touche la démocratie sociale.
Mikko Mäenpää, responsable du STTK (confédération des employés), au téléphone le jour de la présentation par la Première ministre du Parti du Centre allié à la droite d'un accord gouvernemental visant à assurer "la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat", le 25 janvier 2011 (Uutispäivä Demari)
Au cours d’un déjeuner de travail avec le responsable de l’un des principaux syndicats, le STTK (plus de 600 000 adhérents), Mikko Mäenpää, nous avons évoqué le syndicalisme de masse en Finlande (plus de 75% des salariés sont syndiqués contre 8% en France) ce qui permet de créer un rapport de force dans un esprit de responsabilité et de parvenir à ce que les Finlandais appellent « la société de consensus » et une gestion tripartite entre les salariés, au travers des centrales syndicales, les employeurs et l’Etat.
Tous les accords signés (conventions collectives) sont applicables obligatoirement à tous les salariés du pays.
J’ajoute également qu’ici, il y a une totale transparence sur les salaires des dirigeants des entreprises.
Mais le système est amené à évoluer du fait de la mondialisation. Comme le dit M. Mäenpää, « nous devons trouver un nouveau chemin ».
De ce point vue là, les élections législatives constituent un enjeu crucial : le risque est l’effondrement du système tripartite si les sociaux-démocrates ne remportent pas les élections.
Demain, je poursuivrai avec des visites d’entreprises et j’aurai l’occasion de reparler de l’emploi des seniors.
Amicalement,
Ségolène Royal