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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 12:29

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La marée noire au large des côtes américaines du Golfe du Mexique illustre les carences américaines en écologie sociale. La cohabitation des hommes et de ses activités souvent destructrices (forage et industrie pétrolière, surpêche, …) et d’un écosystème riche et vulnérable montre ses limites. Dans ce dossier, 3 sujets ressortent :

 

-l’explosion de la plate-forme et les conséquences pour l’état de Louisiane et les autres états côtiers du Golfe du Mexique (Mississipi, Alabama, Floride) ;

 

-le rôle du britannique British Petroleum (BP) et de ses partenaires dans le Golfe du Mexique : lobbyisme et capitalisme financier ;

 

-la position inconfortable de l’administration Obama et son action : impact du système institutionnel américain et lobbyisme.

 

 

-oOo-

 

La Louisiane et les états côtiers voisins sous le choc


Le jeudi 22 avril 2010, une explosion détruisait puis entraînait le naufrage de la plate-forme Deepwater Horizon, qui exploitait un gisement de pétrole sous le plancher marin à 1500 mètres de profondeur et à 66 kilomètres des côtes de la Louisiane. Le principal propriétaire du gisement estBritish Petroleum (BP), dont le siège est basé à Londres.

 

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Une semaine plus tard, le jeudi 29 avril, l’état d’urgence était décrété par la Louisiane, et la ministre de l’intérieur déclarait l’événement « catastrophe nationale ». Pendant le week-end, la Floride, l’Alabama et le Mississipi décrétaient à leur tour l’état d’urgence.

 

Que s’est-il passé ?

 

En coulant, la plate-forme a tout d’abord déversé ses réservoirs, soit 40 000 m3, dans la mer. C’est l’équivalent de 16 piscines olympiques pleines à ras bord, autant que la catastrophe de l’Exxon-Valdez, le cinquième de l’Amoco-Cadiz, et deux fois celle de l’Erika.

 

Par ailleurs, les robots sous-marins ont échoué à fermer les vannes de sécurité du puits, et dans un premier temps, jusqu’au 29 avril, les observateurs ont pensé que de 160 à 800 m3 (800 000 litres) s’en échappaient chaque jour. Depuis ce week end, ils estiment que plus de 800 m3 sont libérés quotidiennement. Une situation qui pourrait durer : en Australie en 2009 dans un accident semblable la fuite n’avait été colmatée qu’au bout de 70 jours ; des experts avancent une durée de 3 mois avant que les fuites ne cessent. Dans ces conditions, 50 000 m3 à 65 000 m3 supplémentaires pourraient être relâchés dans la mer.

 

Et ce, à condition que la tête de puits tienne bon : si elle venait à lâcher, 20 fois plus de pétrole pourrait se déverser en mer selon le commandant des garde-côtes américains, l’amiral Thad Allen.

 

Quels sont les enjeux écologiques et sociaux ?

 

Le milieu dans lequel se produit cette catastrophe est un milieux naturel complexe, fragile et très riche. 2 parcs naturels sont situés à l’embouchure du fleuve Mississipi, en Louisiane : Pass-a-Loutre, déjà polluée en plusieurs points ce week-end, et Delta National Refuge. 2 autres sont situés en face de l’état du Missisipi : les îles Chandeleur, englobées dans la nappe de pétrole le samedi 1er mai, mais qui devraient bénéficier d’un retrait naturel mardi 4 mai,  et l’archipel des Gulf Islands National Seashore.

 

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Le milieu est très riche et très fragile : d’un côté les mangroves, forêts de palétuviers baignées par les marées, de l’autre les marais d’eau douce du fleuve Mississipi, et au total presque aucune terre ferme. Cet écosystème spécifique héberge quantité d’espèces végétales, mais aussi des crevettes, des écrevisses, des poissons comme le menhaden, le red-drum, le rare et pacifique requin-baleine, d’innombrables tortues et alligators5 millions d’oiseaux migrateurs comme la spatule rosée, et des mammifères marins comme le lamantin. Cet écosystème est très fragile, car des zones de nourrissage dépendent toutes les espèces animales, et il sera presque impossible de les nettoyer par les mains de l’homme si le pétrole y pénètre profondément ; les oiseaux, très nombreux et souvent migrateurs, devraient être particulièrement touchés.

 

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Les enjeux sociaux ne manquent pas.

 

Tout d’abord, l’ouragan Katrina de 2005 a laissé des traces dans le moral des habitants et dans le paysage ; la marée noire qui s’annonce ne va rien arranger. Ensuite, la récolte d’huîtres et la pêche de crabes et de crevettes pourraient être sévèrement affectées en Louisiane ; la vente de fruits de mer rapporte 1,8 milliards de dollars (1,35 milliards d’euros) par an, et la pêche récréative 1 milliard de dollars. Au delà, la marée noire pourrait coûter des milliards de dollars de pertes pour les secteurs du tourisme, des sports de plein air et de la pêche commerciale, en Louisiane, en Alabama et dans le Mississipi, voire en Floride et au Texas. Comble de malchance, la saison de pêche devait débuter dans deux semaines.

 

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L’ensemble du commerce et de l’économie de la Louisiane devraient être durement affectés : la manager du supermarché Family Dollar, Vanessa Andry, à un peu plus de 30 kilomètres de l’estuaire du Mississipi indique : « Nos ventes vont chuter en flèche avant que les pêcheurs soient indemnisés. S’ils le sont un jour… ».

Cependant, « les écosystèmes du Golfe du Mexique ont jusqu’ici surtout souffert de la surpêche et de méthodes de pêche destructrices pour l’environnement, comme le dragage. » souligne Carl Gustaf Lundin, responsable du programme pour le milieu marin à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Enfin, dans les entreprises qui travaillent pour les géants du pétrole (location de bateaux pour ce secteur, …) l’angoisse plane aussi. Certaines envisagent déjà de devoir mettre la clé sous la porte.

 

Quelles solutions sont envisagées ?

 

En premier lieu, des travaux de grande ampleur ont eu/ont/vont avoir lieu sur l’emplacement de la plateforme. La première solution envisagée a été de fermer les vannes de sécutité à l’aide de robots, la grande profondeur du plancher marin (1500m) n’étant pas propice à l’intervention humaine ; lundi 26 avril 2010, 4 jours après le naufrage de la plate-forme, cette option s’est soldée par un échec. Lamar McKay, président de BP America, déclarait lui même : « C’est comme opérer à cœur ouvert à 1500 mètres de profondeur, dans le noir, avec des robots sous-marins ».

Le même jour, une plate-forme de secours et arrivée sur place pour servir de base aux opérations sur le puits. Le but, dorénavant, c’est d’éviter un drame encore plus grand : que la tête de puits cède. Samedi 1er mai, BP America a annoncé qu’un dôme de confinement (énorme cloche de 70 tonnes) pourrait être déployé en environ une semaine. Un second puits serait alors foré juste à côté du premier, pour pomper le pétrole et réduire la pression sous la cloche.

 

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Seconde idée : le nettoyage progressif par les bactéries : « cet écosystème tropical regorge de bactéries qui ont appris à utiliser le pétrole et peuvent contribuer à son élimination naturelle à condition que la pollution ne soit pas trop massive » assurait M. Lundin (UICN).

 

Troisième idée : brûler la nappe dans de façon contrôlée : l’aspect du problème qui interpelle les spécialistes de l’Institut Français du pétrole (IFP), c’est qu’on a attendu une semaine avant de commencer à agir. BP a eu les coudées franches et les autorités sont peu intervenues pendant ce laps de temps. Or le pétrole brut libéré le 22 avril était très léger ; en une semaine les hydrocarbures les plus légers se sont volatilisés sous l’effet conjugué du vent et du soleil, le pétrole résiduel s’est alourdi et mélangé à l’eau, jusqu’à obtenir une émulsion contenant de 50 à 70% d’eau : la « mousse au chocolat ». Cette « mousse au chocolat » ne peut être brûlée efficacement et proprement : du fait de la formation de l’émulsion, le brûlage, trop pauvre en oxygène, génèrerait d’importantes fumées contenant des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), cancérigènes. Ces HAP se retrouveraient également dans les résidus de combustion, combustion qui n’aurait eu lieu qu’en surface et qui aurait créé une enveloppe autour de l’émulsion, beaucoup plus difficile à « casser ».

Par ailleurs, aux abords de la plate-forme naufragée, là ou le pétrole non mélangé s’écoule toujours, une plate-forme de secours s’est installée ; et 3 500 installations pétrolières se trouvent dans la zone : mettre le feu à cet endroit reviendrait à craquer une allumette dans une station service.

 

Quatrième idée : les produits et les solvants chimiques (paraffines, oléfines, cyclohexane, kérosène, xhite spirit, naphtas). « Il faut limiter l’utilisation des solvants chimiques, qui peuvent se révéler plus toxiques et faire plus de dommages que le pétrole lui même » indique M. Lundin (UICN), faisant référence à l’expérience de l’Exxon Valdez en Alaska en 1989. Les experts de l’IFP suggèrent l’apport, à la place, de phosphates (ancien composant de nos lessives) ou d’azote pour favoriser la biodégradation, mais cette piste semble ne pas avoir été suivie par les Américains.

 

Cinquième idée : déployer des barrages flottants. Depuis la fin de la semaine dernière, 84 km de barrages flottants et 68 navires ont été déployés. Mais il s’agit d’un ensemble de barrages de 90 mètres de long, et la plupart de sont pas très hauts et sont peu profonds : le pétrole s’infiltre ou passe au-dessus des barrages.

 

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Tout le monde s’accorde sur un point : une fois les mangroves et marais imprégnés par le pétrole, il sera presque impossible de nettoyer. L’intrication de la végétation, la quasi-absence de terre ferme même pour établir un QG des opérations, l’impénétrabilité des milieux sans bateau sont autant d’obstacles à un nettoyage rapide et facilité. Les premières rumeurs dans la population parlent de 5 à 10 ans avant de commencer à entrevoir le bout du tunnel. Un coup dur après l’ouraga Katrina de 2005, qui avait déjà fait partir 30% de la population.

 

Le pétrole qui arrivait sur les côtes, léger la semaine dernière – juste une pellicule grasse sur l’eau, à l’œil nu – s’est alourdi au fil des jours, les éléments les plus volatils s’étant évaporés. La nappe évolue de façon imprévisible, en fonction de la météo. Les premières boulettes de pétrole sont arrivées sur les côtes le week-end dernier. Déjà la région de la réserve naturelle de Pass-a-Loutre a été touchée par la pollution au moins en 3 endroits.

 

F.M.

 

Sources : Le Monde, éditions datées du dimanche 2 mai 2010 et du mardi 4 mai 2010


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commentaires

E
<br /> <br /> Quand on envoi plus d'un million de tonnes de pétrole dans l'océan pendant 1 mois, ça ne touche que la Louisiane et la pêche en Louisiane?<br /> <br /> <br /> <br /> Les poissons et le pétrole de Louisiane sont Louisiannais, ils ne se baladent pas ailleurs dans l'Océan?<br /> <br /> <br /> <br /> Il va etre bon le poisson après celà! (qui veut le cancer?)<br /> <br /> <br /> <br /> Remarquez on donne bien des céréales des alentours de Tchernobyl à manger aux animaux que l'on mange ensuite..(merci Poweo!) et tout le monde s'en fout.<br /> Génial, vive la fin du monde, les gens sont d'accord !<br /> <br /> <br /> --------------------------------<br /> <br /> <br /> Vous faites tous et toutes des commentaires sur l'industrie et la finance alors que c'est votre santé qui est en jeu ; et que vous avez perdus !<br /> <br /> <br /> <br /> Moi je n'achète plus de poisson pendant 10 ans, je laisse passer une génération...<br /> <br /> <br /> BP va t'elle indemniser les pêcheurs du monde et les malades nourris aux aliments "faiblement mazouté" ?<br /> Surement qu'on nous dira d'aller nous faire voir chez les Grecs entre deux apéro géants interdits...<br /> <br /> <br /> <br />
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