Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux lors du discours du 30 juillet 2010 de Nicolas Sarkozy à Grenoble
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Vendredi 30 juillet 2010 à Grenoble, Nicolas Sarkozy annonçait :
« La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie, ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. (…) Quand on tire sur un agent chargé des forces de l’ordre, on n’est plus digne d’être français. »
Aujourd’hui, dans Le Parisien/Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux a été plus loin. Interrogé sur le cas de Lies Hebbadj, qui est soupçonné de polygamie, il a développé la pensée du président Sarkozy :
« Des déchéances de nationalité doivent pouvoir être prononcées dans de telles situations mais aussi en cas d'excision, de traite d'êtres humains ou d'actes de délinquance grave. »
Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur (AFP/Brice Zoccolan)
Ce faisant, il épouse les contours de la proposition du programme du Front National en 2007 :
« Toute personne naturalisée pourra être déchue de la nationalité française si elle commet des crimes tels que, notamment, un assassinat, un acte terroriste, une prise d’otage, un rapt d’enfant, un viol, le trafic de drogue. », qui sont des actes de délinquance graves
« Encore un effort, M. Sarkozy ! » pouvait-on lire dans une des chroniques récentes de la rédaction de Désirs d’avenir Paris 15. Malheureusement, l’effort a été fait, et sans délai.
Après le discours de M. Sarkozy vendredi 30 juillet 2010 à Grenoble, Eric Ciotti, député UMP, dans le Journal du Dimanche, et Brice Hortefeux, dans Le Parisien/Aujourd’hui, ont développé les idées de leur chef ce dimanche. À qui le tour ?
Reste que ces mesures envisagées sont en contradiction encore plus complète avec la constitution et la législation française. Quel lien entre la pratique, aussi scandaleuse soit-elle, de l’excision, et la déchéance de la nationalité ? La Constitution française précise, en son article 1er ( !) :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »
Et le Code civil ajoute, en son article 25 :
« L’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride. »
Le secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats lui-même, Laurent Bedouet, s’interroge :
« Quel rapport entre la déchéance de la nationalité et la lutte contre la délinquance ? »
Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, a cru bon de préciser :
« Nous nous sommes assurés de la validité des amendements que nous présenterons. »
Quand on voit comment l’UMP s’est assuré de la constitutionnalité de sa procédure de garde à vue, on peut avoir des doutes. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, veille au grain et tient bon face à l’hyperactivité sarkozyste.
Les nouvelles dispositions évoquées par le président Sarkozy à Grenoble le 30 juillet 2010 seront intégrées au projet de loi sur la sécurité intérieure, qui sera examinée au Sénat le 7 septembre 2010.
Le 7 septembre 2010, ça ne vous rappelle rien ? C’est le jour où la totalité des syndicats français, hors CFE-CGC, a appelé à la grève et à la manifestation contre le projet de réforme des retraites. C’est aussi le début de l’examen à l’Assemblée Nationale du projet de loi sur cette réforme…
Le volet « immigration » des mesures feront l’objet d’un projet de loi « en septembre à l’Assemblée » a précisé le ministre de l’Intérieur.
La rentrée sociale et politique sera chaude !
Frédérick Moulin